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Et si la démission silencieuse était une bonne stratégie contre le burn out?

Le quiet quitting a fait couler beaucoup d’encre le dernier mois. C’est une expression qui n’existait même pas avant août dernier, mais qui est depuis sur toutes les lèvres! 

La définition officielle – question de savoir de quoi l’on parle, est la suivante : ne pas quitter son emploi mais choisir de faire le strict nécessaire, d’arrêter de se dépasser continuellement au travail.

Tout ce dernier mois, nous avons résisté à la tentation de commenter, préférant observer les réactions (des employés, des gestionnaires, des experts et des médias), comme une autre démonstration de toute la transformation que subit la culture du travail en ce moment, et des mouvements contradictoires qui l’habitent.

Mais voilà, nous sommes prêtes à vous partager notre analyse du phénomène et surtout, à vous dire ce qu’on pense de l’expression, de sa définition et de ses différents visages.

Avant de commencer, nous t’invitons à réfléchir à ta propre réaction, quand tu as entendu parler du Quiet Quitting.

  1. Je ne vois pas où est le problème, c’est la définition même de l’équilibre.
  2. C’est vrai ça, les jeunes n’aiment plus travailler! Je ne sais pas comment on va y arriver.
  3. C’est exactement moi à une période de grande insatisfaction au travail (souvenir désagréable).
  4. Tout sauf se dépasser dans un système brisé qui vise à enrichir les déjà riches sur le dos des employés! Je préfère me dépasser dans mes projets personnels.
  5. (Trop) vouloir au travail, j’suis passée par là – et par l’épuisement – alors plus jamais.
  6. À quoi bon! De toute façon, la terre brûle et personne ne fait rien. L’avenir n’est pas garanti, je préfère vivre maintenant.
  7. N’est-ce pas tordu qu’on fasse sentir aux gens qui font leur travail qu’ils sont des lâcheurs « quitters »?
  8. Toutes ces réponses : voilà une belle manifestation de la culture du travail moderne et des mouvements contradictoires qui sont à l’œuvre.

Parmi toutes les lectures que nous avons faites sur le quiet quitting, il y en avait des plus caricaturales, des plus convenues et d’autres, plus profondes. L’une de nos préférées est celle de The Atlantic : The Cure for Burnout Is Not Self-Care.

Cet article explique très bien le parallèle entre le burn out et le quiet quitting, et touche – pour une fois – au cœur du problème : la culture du travail, les attentes irréalistes, les conditions de travail déficientes et leur poids psychologique.

La première vidéo Tik Tok qui parlait du quiet quitting restait plutôt dans la caricaturale sur-simplification « la génération Z choisit le quiet quitting contrairement aux millénariaux start-uppers qui se dépassent au travail. ».

Généralisation à laquelle nous avions de nombreuses nuances à apporter : 

Nuance #1 :

Les millénariaux aussi choisissent le quiet quitting, de même que de nombreuses personnes qui sont passées par un épuisement professionnel, particulièrement si elles ont adhéré de près à la culture de surperformance, la hustle culture, qui nous amène à nous définir et à définir notre valeur par notre apport à la société ou à l’économie via nos activités professionnelles.

En fait, le nombre de personnes et particulièrement de jeunes qui ont vécu un épuisement professionnel est tellement élevé (66% au Québec en 2019) qu’on peut penser que les heures passées en thérapie par chacune de ces personnes s’additionnent et créent le phénomène grandissant du quiet quitting

Dans cette optique, le quiet quitting serait une bonne nouvelle pour la santé des individus, un mécanisme de prévention ou de défense sain et durable, n’en déplaise aux employeurs et aux gestionnaires qui ont l’habitude de compter sur un complet don de soi au travail.

Voici deux extraits de l’article de The Atlantic qui résument bien la source du quiet quitting.

« I expect quiet quitting can be a part of a lifestyle to prevent burnout or help someone recover from burnout. Burnout begins with unceasing demands and unmeetable goals…If we don’t abandon the cultural demands that require us to conform in ways that aren’t natural to us, burnout progresses as we worry about the gap between who we are and who we are expected to be. »

Basically, when we have unmeetable goals, our brains can’t handle it. Our frustration grows into rage until eventually we are dropped into a pit of despair. Then we oscillate between frustrated rage and hopeless despair, where we get stuck in a cycle of I hate this job; they can shove it! Oh, no, I have bills to pay and children to raise, and I can’t just quit—but holy moly, I want to set that building on fire!!!

Quiet quitting is a strategy for when you can’t control the stressor. The revelation for lots of folks is discovering that they have the option to change how they approach their work, that they are not obligated to burn themselves out. 

Nuance #2

Le quiet quitting et la hustle culture ne sont pas deux pôles opposés, au même titre que la génération Y (millénariaux), les Z et les boomers ne sont pas étrangers au quiet quitting. 

Par exemple, les Y militent depuis le début de leur carrière pour une meilleure qualité de vie au travail et une meilleure conciliation travail-famille-vie personnelle, mais la situation de l’emploi était pour eux bien différente. Leur poids démographique aussi. L’entrepreneuriat et le start-up lifestyle ont souvent été des moyens pour eux de vivre leur carrière à leur façon. On leur doit d’ailleurs de nombreuses nouvelles politiques RH via ces jeunes pousses devenues grandes.

Paradoxalement, les Millénariaux et leurs initiatives professionnelles étaient aussi teintées du syndrome de « sky is the limit » et du « be the change that you want to see in the world », c’est la génération des entrepreneurs vedette et en même temps la génération la plus éduquée de l’histoire, ce qui vient avec le syndrome du ou de la bonne élève qui les caractérise. Les Millénariaux ont-ils participé à l’avènement de la hustle culture en cumulant les side projects et les courses à la reconnaissance? Ont-ils essayé d’en faire plus dans le but d’en faire moins? Ils ont certainement répliqué des modèles de sur-engagement et de sur-performance, en plus de contribuer à les rendre cool et alléchants, ce qui n’a pas manqué de tout de même les plonger dans un état de stress, d’épuisement et de désillusion, comme l’explique si bien l’auteure interviewée dans The Atlantic :

Quiet quitting comes from the perspective of folks who have been selling not just their time, but their selves to their employer. So their experience feels like quitting. In that context, the term makes a lot of sense and is helpful.

D’autre part, ces dernières années, la dépression et l’épuisement ont touché des gens de toutes les générations. Le désir de ne plus se définir que par son travail vient aussi avec la maturation du cerveau, la sagesse et les expériences de vie.

Enfin, les personnes qui ont tout donné au début de leur carrière ont parfois aussi envie de nourrir un meilleur équilibre entre la vie et le travail en ce moment.

Bref, culturellement, nous sommes – toutes générations confondues – de plus en plus conscients que lorsque nos besoins de base sont comblés, travailler plus est un risque pour notre santé et notre équilibre de vie, ce qui contribue au phénomène du quiet quitting

Voici ce que dit The Atlantic sur le sujet : 

Workers throughout history have found the strength to detach their senses of self-worth from working conditions that are unreasonable, to do their jobs without giving in to the pressure to value themselves based solely on their contribution to the economy.

For folks who got their sense of meaning and purpose from work, quiet quitting might come with a sense of disillusionment, loss, and grief. But the good news is that all of us can get a sense of meaning from a variety of activities, even though capitalism and grind culture tell us that we’re lazy if we don’t commit our whole selves to our work.


Nuance #3

Parmi les réactions les plus populaires aux nombreux articles et publications sur le quiet quitting, il y a eu ce commentaire : « remplir sa description de tâches, c’est juste la définition même de travailler. ».

Ce commentaire se veut à la fois bienveillant en tenant de normaliser la décision de ceux qui décident de mieux tracer la ligne entre le travail et la vie personnelle, mais il nie du même souffle la réalité et la souffrance qui peut accompagner le quiet quitting.

Chapeau à ceux qui ont toujours réussi à tracer la ligne entre le travail et leur identité.

Chapeau aux milieux de travail qui ont toujours encouragé un investissement de soi raisonnable et encouragé ses employés à se forger une identité multiple.

Or, on ne peut nier la culture ambiante, qui nous teinte parfois depuis l’extérieur de notre milieu de travail, depuis la société elle-même.

Comme le dit The Atlantic, le quiet quitting est un phénomène bien réel : la décision de rompre avec une culture du travail qui exige trop de nous.


Lâcheté ou courage?

Personne ne peut nier que dans plusieurs milieux, on distribue des projets sans ajuster la charge de travail, on se donne des objectifs faramineux à atteindre dans des temps record, on valorise le bénévolat et les heures supplémentaires et on élève ce niveau d’implication à la norme. De plus, ces attentes ne sont pas toujours aussi quantifiables, il y a aussi l’investissement émotif, le désir de bien faire les choses, d’atteindre les résultats, de servir les clients ou la société. Les employeurs qui affichent des valeurs d’excellence et de dépassement de soi ne sont pas rares. Une grande partie de cette culture est régie par des règles non-écrites, qui menacent de t’expulser.

On pourrait donc dire que les quiet quitters, ceux que nous désignons comme les lâcheurs, les faibles et les paresseux, font plutôt preuve d’un grand courage dans la préservation de leur santé psychologique puisqu’ils choisissent de s’auto-expulser de cette culture tacite, ou osent courir le risque d’être expulsés en adaptant leurs comportements.

Au lieu, donc, de le repousser du revers de la main comme étant un caprice ou un faux-débat, il est important de reconnaître le phénomène pour pouvoir le comprendre et y réagir, notamment comme employeurs, mais aussi comme collègues, amis et conjoints.

S’il est vrai qu’on peut être engagé et apprendre dans son travail sans adhérer à la hustle culture et aussi tout à fait légitime de ne pas être d’accord que remplir sa description de tâches rime avec démission silencieuse et désengagement, plusieurs ont cette croyance à détricoter. Particulièrement ceux à qui on demande : « que vas-tu être quand tu seras grand » en s’attendant à un métier comme réponse. 

Détacher sa valeur personnelle de son niveau d’engagement professionnel est pour plusieurs un apprentissage à faire, qui vient avec un premier pas nécessaire, courageux et parfois aussi douloureux : la démission silencieuse.

Que ce soit envers un employeur qui ne partage pas ses valeurs, des attentes irréalistes, une culture du travail qui mine notre santé, un sur-engagement que nous croyions sain et bénéfique, une communauté, voire une société à laquelle nous voulons pourtant appartenir…. mais pas à n’importe quel prix. 

Le quiet quitting peut-il être un signe de désengagement et de burn out imminent.
Le signe précurseur d’une démission réelle?

Si le quiet quitting est une stratégie pour rétablir la cohérence personnelle entre ce qu’on est et ce qu’on croit qu’on doit être, il est fort possible que ce soit aussi le début d’une réflexion sur sa satisfaction travail-famille-vie personnelle. Et que la stratégie suivante soit de quitter son emploi pour un autre, qui répond mieux à nos valeurs et à nos aspirations nouvelles.


Entre respect de soi et responsabilité sociale.

Selon nous, le quiet quitting est beaucoup plus facile à comprendre quand on le décrit comme « la décision de ne faire que sa description de tâches, désormais. De créer une distance entre soi et son travail qui n’existait pas avant.»

D’un point de vue plus « macro », on peut quand même dire qu’un grand pan de la population choisit « en même temps » de créer une distance entre elle-même et la culture traditionnelle du travail qui te fait sentir paresseux si tu ne donne pas tout ce que tu peux à ton travail, le faisant passer avant même ta famille, ta vie sociale et toi-même.

Ce qui n’est pas sans ébranler le capitalisme traditionnel, du moins là où la pénurie de main d’œuvre rend le remplacement de ces quiet quitters difficile. 

Portez donc une attention particulière à ceux qui s’indignent du quiet quitting, ce sont essentiellement ceux qui bénéficient d’un sur-investissement des individus envers leur travail. Ou encore ceux qui continuent à croire que se surpasser devrait être la norme. Ceux qui n’ont pas encore rompu avec cette hustle culture, malsaine car irréaliste. Ou qui ne se sont pas donné le droit de le faire, parfois pour de très bonnes raisons, ressentant un risque considérable d’y perdre au change comme les femmes, les mères monoparentales, les personnes racisées ou membres des communautés LGBTQ+.

Voilà pourquoi nous aimons particulièrement la conclusion de l’article de The Atlantic qui va exactement dans le sens de notre mission, chez De Saison : révolutionner la culture du travail à tous les niveaux en même temps; au niveau individuel pour outiller ceux qui souffrent, mais surtout collectif, au sein des organisations elles-mêmes ainsi que d’un point de vue politique.

Parce que le quiet quitting est bel et bien la manifestation d’un profond enjeu de santé durable dans notre société que de plus en plus de personnes, dont les représentants des nouvelles générations, osent confronter. 

En parler comme une caractéristique générationnelle « indésirable » plutôt que comme un signal d’alarme, c’est passer totalement, mais totalement à côté de la question.  

A lot of quiet quitting seems, to me, to have to do with the amount of psychological space we give work. Do you think culturally we’re overdue for a recalibration? 

It’s not just that we’re overdue for a recalibration. We’re overdue for a revolution.

The cure for burnout is not self-care. The cure for burnout is all of us caring for each other.

Dernière nuance

Enfin, un visage du quiet quitting qui a été très peu exposé, et qui n’est par ailleurs pas abordé dans l’article de The Atlantic est la tendance inquiétante du quiet quitting profond.

Les générations montantes ont tendance à avoir moins confiance en l’avenir que les générations précédentes, d’où la tendance à s’investir dans le moment présent plutôt que dans des projets de longue haleine.

Voir le nombre d’enjeux sociaux et environnementaux ignorés par les pouvoirs publics et les entreprises envoie un message clair aux jeunes : nous n’avons pas ton avenir à cœur. Comment, ainsi, pouvons-nous penser qu’ils auront envie d’appartenir, de s’investir et de se dépasser pour les milieux de travail qui tentent de les attirer? 

Le quiet quitting profond s’apparente plutôt au décrochage qu’à la démission. Il implique une rupture avec cette croyance que si on s’investit, l’avenir sera nécessairement meilleur. La perte de cette croyance appelle à l’individualisme et aux stratégies de courte vue. Ce qui est évidemment l’inverse de ce qui est souhaité dans une équipe, une organisation et une société.

D’où la responsabilité sociale et collective des organisations de tout acabit de prendre au sérieux le quiet quitting, de revenir à une culture de saine performance et de s’engager envers le développement durable. 

L’engagement attire l’engagement.
L’abandon attire l’abandon.

Résumons ça ainsi.

 

Ton équipe est-elle engagée envers la santé mentale de ses membres?
Tu te demandes ce que tu peux faire pour soutenir tes collègues?
Et les gestionnaires? Le quiet quitting peut-il s’appliquer à leur réalité?
Explore nos outils et notre offre d’ateliers ou encore mieux, jasons-en!

 

Lire l’article de The Atlantic.