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Philosophie et quotidien – Partie 1 : L’aube

Prélude

Je tiens à mettre en garde tous ceux qui pourraient voir la philo comme une source de réponse ferme et absolue à leurs questionnements existentiels. Je n’ai rien d’un gourou et je n’en veux rien. Le propre de la philosophie, c’est de questionner, c’est se mettre en marche, c’est sortir de soi en allant voir ce qu’est le monde. Questionner s’arrête avec une réponse probable. Pour un temps. Philosopher, c’est remettre le tout en marche par une nouvelle question. Dans cette série, je vous propose donc de nous remettre en marche par et en fonction de notre quotidien.

L’aube

Ce moment du jour si négligé et pour cause. Si nous avions à prendre conscience tous les jours de la grandeur et de la beauté du jour, de chaque jour, la vie serait bien ardue. Nous aurions de la difficulté à saisir pourquoi nous négligeons notre vie, pourquoi nous détruisons la nature, pourquoi tant de violence et tant de haine. Ce serait le jour important des spécialistes de la santé, nous aurions afin contracté le mal du siècle, sortant du même coup d’un nihilisme profond. Nietzsche serait heureux, la force vitale reprendrait ses droits, ne pouvant plus prétexter ceci et son contraire pour ne pas faire, pour ne pas se dépasser, pour ne pas oser. Enfin!, dirait-il, enfin l’intelligence reprend sa place se faisant tasser par le corps. Enfin, nous voyons clair dans ce qu’il nous est possible de faire en délaissant la zombitude de notre existence passée. Enfin, la lumière se fait sur notre état et nous nous engageons envers nous-mêmes et sans repères dans ce monde ici-bas. Dieu est mort après tout. 

Mais l’état actuel des choses est bien différent. Le rythme avec lequel nous agissons et nous répondons au réel devrait nous rendre à l’évidence que nous ne réfléchissons guère. Questionner arrête le flux, c’est un obstacle que nous pouvons contourner sans trop de dommages, sans trop de risques. Nous sommes passés maîtres dans ce refus de réflexion. Nous agissons en pensant rapidement, nourris par (je vais dire un gros mot) des préjugés et des opinions. Parfois, cela s’avère juste. Souvent, c’est dramatique, mais ça se cache bien. Un petit coup de gestion du changement et nous sommes de retour sur les rails pour un trimestre ou deux, si nous sommes chanceux. La suranalyse de la situation de la politique internationale nous réconforte en trouvant, soi-disant, une cause à un événement tragique ou à la candidature du grotesque à la présidence américaine. Du côté perso, la méditation pleine conscience, le kombucha et les bienfaits insoupçonnés du kale répondent sans trop d’efforts au questionnement incessant du monde. Et pourtant, tous les penseurs l’ont dit et toutes les époques aussi:

Il

n’y a pas

de recettes

miracles

pour donner

un sens

à notre existence.

Nous prenons conscience de cette réalité tout d’abord dans notre chair. Ça fait mal. Au sens fort du terme. C’est par la suite, quand le corps est meurtri et le rythme ralenti de force par le manque d’élan vital, que le questionnement est rendu possible. Cet éveil à notre expérience commune doit être une prise avec soi.

La compréhension du réel est étymologiquement une prise, une prise avec soi. C’est l’oeuvre du corps, de la main. En tant que jeté-là sans repères dans l’existence, la mise en lumière de notre réalité est d’abord souffrance. Ne pas vouloir souffrir, c’est passer à côté de l’humanité en soi. Poser une question, c’est écouter un désir, le désir de com-prendre.

Poser une question, c’est écouter la douleur issue de notre ignorance. Ne pas poser de questions, c’est croire que nous connaissons. C’est nous sentir pleins alors que nous sommes vides.

À crier que l’existence humaine a un sens, c’est ne pas vouloir regarder la vie en face. Elle n’en a pas de facto, il nous faut lui en donner un.

L’aube à soi est souvent douloureuse comme les matins d’insomnie.