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L’alphabet de la télévision

Récemment, Pierre Lapointe a suscité le débat sur les A de la télévision lors de son passage à l’émission Tout le monde en parle. J’étais plutôt en accord avec lui et je le suis encore, même si on a pu lire par la suite qu’il n’a lui-même pas toujours adopté un comportement A derrière les caméras.

Un beau matin dans mon salon, j’ai eu un peu la même réflexion que Pierre Lapointe. Je regardais l’émission Deux filles le matin, qui portait, cette journée-là, sur le sujet de la conciliation travail-famille. Un sujet qui m’interpelle, comme probablement plusieurs d’entre vous. Les invités : Julie Snyder, Véronique Cloutier et Denis Bouchard.

Bon, c’est vrai, ces gens-là sont probablement fort occupés et ont des enfants. Ça fait du sens. Là où ça fait moins de sens selon moi, c’est qu’ils ont une réalité particulière, ils ont les moyens de se payer de l’aide à la maison et ils sont tous issus du même milieu professionnel, celui de la télévision et du showbiz, qui, au fil du temps, grâce à leur travail acharné et l’amour du public, leur a permis d’obtenir la cote de vedette A. Ça explique sûrement pourquoi ils ont été choisis pour participer à cette émission, d’ailleurs.

Pour vous donner une idée de la discussion, Julie racontait que ses enfants faisaient du vélo dans la maison (chez moi, personnellement, je vois mal où je pourrais me créer une piste cyclable) et elle se demandait comment certaines mères trouvaient le temps de se maquiller. Véro avouait qu’elle aimait beaucoup avoir ses enfants avec elle en tournée, et Denis Bouchard, pour sa part, expliquait comment il gérait sa vie avec ses deux ou trois maisons (je n’ai pas retenu le chiffre exact). Ils ont évidemment dit plein d’autres affaires, mais je ne m’en souviens plus. Le tout était commenté par Dre Nadia Gagnier, psychologue, afin de donner un côté objectif et scientifique à la conversation, j’imagine.

Être un A au quotidien

Je n’ai pu m’empêcher de penser à la mère monoparentale, aux familles où le père travaille sur le chiffre de nuit et la mère sur le chiffre de jour, aux familles qui ont choisi d’avoir un parent à la maison, bref, à toutes ces autres familles-là. Admettons que sur trois invités, oui, il y aurait pu avoir une personne en moyen aux horaires atypiques qui fait de la télévision, mais il aurait également été pertinent de donner la parole à toutes ces autres personnes qui travaillent dans un autre domaine et qui font leur gros possible pour être un A au quotidien. Je suis certaine que Dre Nadia en aurait eu, de la matière à commenter. Peut-être même plus. Et Marie-Claude Barrette, l’animatrice, qui m’a l’air d’une femme profondément humaine, aurait probablement mené son plateau diversifié avec brio.

Et moi, dans mon salon, je me serais réjouie de regarder cette émission-là, et je n’aurais probablement jamais écrit ce texte aujourd’hui. Mais bon, peut-être que nous ne sommes qu’une minorité à penser ainsi. Et une minorité, ce n’est pas ça qui fait de bonnes cotes d’écoute.

Pour ma part de minoritaire, j’en voudrais plus des émissions comme Banc Public et 21 jours, des pièces de théâtre comme Pôle Sud d’Anaïs Barbeau-Lavalette et des reportages radio comme ceux d’Hugo Lavoie à Gravel le matin.

À chacun son alphabet

J’ai étudié en télévision et j’ai eu la chance de travailler dans le domaine. Je dis la chance, parce que c’est un milieu où il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. J’ai fait des rencontres extraordinaires, travaillé sur des super projets. J’ai collaboré avec des gens passionnés, cultivés, dévoués, créatifs, des vraies vedettes A, selon mon alphabet à moi. Mais j’ai aussi vu l’envers du décor. Les A du showbiz ne sont pas nécessairement en tête de l’alphabet extérieur au petit écran. Tout ça pour dire que l’alphabet de la télévision est basé sur certains critères, et je pense que c’est important qu’on en soit conscient. 

Des A de la vie, vous en avez assurément tout autour de vous. Voyez-les. Considérez-les. Parlez-leur. Il n’y a pas d’écran qui vous sépare. Ils ne sont pas en HD. Mieux encore : ils sont là là, en trois dimensions pis toute. Ils peuvent vous répondre en direct, sans hashtag, avec des vraies émotions dans leur face. Ils ne font peut-être pas la couverture du Écho Vedettes, mais ça ne signifie pas qu’ils ne sont pas intéressants. 

Avant, je rêvais d’être une vedette A de la télévision, notamment parce que j’aime beaucoup animer et faire de la vidéo. Aujourd’hui, je rêve plutôt d’être un A tout court. Et si la vie me ramène un jour à faire ce qui me passionne à la télévision, ça sera un plus.

Note : être un A ne signifie pas la même chose pour tout le monde. Chacun a ses critères d’alphabet. Pour moi, être un A, c’est être capable de se regarder dans le miroir le matin parce qu’on agit en fonction de nos valeurs et parce qu’on considère qu’on fait de notre mieux