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Méritocratie, réalité ou illusion?

Il n’y a pas si longtemps,  j’ai entendu le mot « méritocratie » pour la première fois. Sur le moment, je suis passée du choc à l’hilarité, puis au sérieux que demande une profonde réflexion. Tant d’émotions pour un seul mot! Avant d’expliquer mon cheminement, voici une définition :

« La méritocratie est un système de gouvernance ou d’organisation qui tend à promouvoir les individus dans la société en fonction de leur mérite démontré par leur investissement dans le travail, effort, intelligence, qualité ou aptitude. Elle tend à hiérarchiser et à promouvoir les individus dans la société en fonction de leur mérite et non d’une origine sociale (système de classe), de la richesse ou des relations individuelles (système de « copinage ») ».

Économiquement parlant, la méritocratie partage avec la philosophie du capitalisme et le rêve américain la notion que si l’on travaille assez fort, on peut réussir. Vraiment? Vous avez sûrement en tête de très bons exemples du contraire. Loin de moi l’idée de dire que les efforts ne paient pas, mais l’effort à lui seul n’est pas suffisant pour réussir. Poussons plus loin : est-ce que tous ceux qui ne réussissent pas ne le méritent pas? Voici quatre pensées pour vous aider à remettre le tout en perspective.

La chance

Peu de gens veulent l’avouer, mais la chance a une grande influence sur la carrière. À grande échelle, selon la région que vous habitez, les hauts et des bas de l’économie, la génération dans laquelle vous êtes né, vos chances de réussite ne seront pas les mêmes et vous n’y pouvez rien. Vos choix sont également guidés par la chance et vous ne pouvez pas contrôler les conséquences. Je vous donne quelques exemples. Vous avez le choix entre deux postes dans des entreprises florissantes. L’environnement et les conditions de travail y sont équivalents. Votre choix se base donc sur une petite variation, par exemple : l’une de ces deux entreprises est plus près de votre maison. 

Six mois plus tard, l’entreprise en question ferme. Impossible de le prédire avant de fouiller dans les livres comptables. Est-ce trop poussé? Moi, ça m’est arrivé. J’ai vu cette histoire se concrétiser dans de petites et grandes entreprises. Je ne parlerai même pas des problèmes physiques ou mentaux que vous pouvez subir. Parfois, le hasard règne.

Le social

Pour un employeur, l’embauche par le bouche à l’oreille est moins risquée, moins coûteuse et représente 33 % des embauches. Il est donc indéniable que votre cercle social a un poids considérable dans l’avancement de votre carrière. Si on considère que 15 à 20 % des emplois ne sont même pas affichés, il est facile de constater qu’il est avantageux d’avoir un large réseau. Cela dit, la mise en place dudit réseau n’est pas facile pour tout le monde.

Certains ont une habileté sociale naturelle et la création de leur cercle d’influence vient simplement. D’autres ont la chance de pouvoir profiter du réseau de leur famille, plus particulièrement dans les milieux favorisés. Il est plus facile d’avoir une carrière florissante lorsque notre premier travail est dans une entreprise reconnue. Mais il y a aussi tous les autres. Les introvertis, les gens provenant de milieux défavorisés ou simplement ceux qui ne s’expriment pas bien en public. Leurs compétences ne sont pas nécessairement relatives à cette habileté, mais leurs chances de réussite, oui. 

La neurologie

La science du jugement a démontré que le cerveau aime prendre des raccourcis faciles. Saviez-vous que les CEO de grandes compagnies font en moyenne près de 6 pieds? La raison derrière cela n’est pas que les personnes de grandes tailles sont plus compétentes, c’est plutôt qu’elles en donnent l’impression. Votre sexe, votre grandeur et votre origine ethnique sont des facteurs de succès, aussi horrible que cela puisse paraître.

Votre cerveau est « câblé » pour faire des jugements rapides et les préjudices sont inévitables, même avec la meilleure des intentions. Pour plus de renseignements sur la neurologie et la science des jugements, je vous suggère Intuition de Malcolm Gladwell comme introduction et Système 1, système 2 : les deux vitesses de la pensée de Daniel Kahneman comme outils de connaissance plus approfondie.

La loi du moindre effort

C’est très simple. Il est beaucoup plus facile de promouvoir un employé de longue date que d’en recruter un nouveau. En demeurant 15 ans dans la même organisation, peu importe votre niveau de compétence, vos chances seront plus grandes d’atteindre un poste prestigieux. Dès que la notion d’ancienneté est considérée pour un emploi, la méritocratie ne peut pas exister. Si vos années de services peuvent contribuer à votre compétence, elle n’en est pas garante et son importance est gonflée.

Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, il est clair que la méritocratie n’existe pas et qu’elle ne peut pas exister. Il ne faut pas que cela vous arrête. Vos efforts au travail ont de grandes chances d’être récompensés si vous vous entourez de gens qui reconnaissent votre valeur. Ne considérez pas la réussite des autres comme une compétition sur votre valeur ou vos compétences.

Eurêka!

Si vous êtes comme moi, vous allez peut-être avoir un moment « Eurêka » dans votre vie et votre carrière. J’ai arrêté de croire que tout évènement professionnel était le dû de ma compétence ou de ma volonté à travailler. Cela a soudainement diminué ma jalousie envers les autres et m’a rendue beaucoup plus heureuse. Je travaille fort parce que c’est une question de fierté personnelle, c’est tout.

Et puis, au lieu d’attendre après la promotion pour prendre plaisir à mon travail, je tente de faire un geste par jour pour rendre mon milieu plus agréable et mon entourage plus heureux. Cela me permet de vivre les bonheurs des autres, et pas seulement les miens, parce que je suis en paix avec les aléas de ma carrière. Quand un ami obtient une belle promotion, enfin, j’arrive à célébrer le cœur léger.