Changer de cap ou comment se permettre de frapper un mur
Je suis entrepreneure, passionnée, inspirée et je viens de frapper un mur.
Depuis maintenant 5 ans, je mène mon entreprise de front. Je suis passionnée et comme beaucoup de passionnés, je ne compte pas les heures de travail, les projets, les collaborations et les idées (tsé le petit hamster qui tourne toujours!). Je veux réussir, me surpasser et évoluer.
Mais voilà que je viens de frapper un mur. On ne parle pas souvent du mur avec un grand M chez les passionnés. À croire ce qu’on peut lire, tout est toujours beau dans le meilleur des mondes quand on est entrepreneur ou passionné.
Mon mur s’est d’abord concrétisé en angoisse. Incapable d’ouvrir mon ordinateur, de m’asseoir à mon bureau sans être angoissée. Qu’est-ce qu’on fait quand la seule façon de faire avancer son travail nous angoisse? Quand je ne peux plus faire la seule chose (ou presque) que je fais depuis 5 ans? J’ai appris depuis longtemps que l’angoisse est un signe assez fort que quelque chose ne va pas. J’étais terrorisée. Ben voyons ça ne peut pas m’arriver à moi qui aime tant ce que je fais! Après avoir nié le problème, j’ai bien dû me rendre à l’évidence que l’enfouir en dessous du tapis ne règlerait rien.
Alors qu’est-ce que je fais? La réponse a été rien. J’ai décidé ou plutôt je n’avais plus le goût de faire quoi que ce soit. C’est un peu paralysant ne plus avoir le goût de faire ce qui t’a tant passionnée au cours des dernières années. Je n’avais même plus le goût de discuter de mes projets.
J’ai donc décidé de prendre le temps qu’il faudrait pour me remettre sur pied. Une ou deux semaines de congé, ça ferait bien l’affaire non? Eh bien, ça fait maintenant deux mois que j’ai pris un break comme on dit. Ne rien faire pendant 2 mois c’est possible? Je ne croyais pas possible de m’arrêter si longtemps pour me rendre compte que finalement c’est exactement ce dont j’avais besoin.
J’ai fermé mon ordinateur, la télévision, mon cerveau et j’ai appris à ne rien faire. Plutôt j’ai réappris à vivre autrement que pour mon travail et ma passion. Après tout, être passionné peut être un véritable couteau à double tranchant.
Imaginez rouler à 100 miles à l’heure pendant 5 ans et tout d’un coup se retrouver devant un horaire blanc. Au lieu de paniquer (parce qu’au début j’ai paniqué, vraiment!), j’ai plutôt accueilli l’occasion de me recentrer sur moi. Je me suis rendu compte qu’en route, dans le brouhaha de la vie, j’avais perdu un peu de qui j’étais. À part mon travail et ma passion, qu’est-ce que j’aimais faire? Qui était Alexandra? Je n’avais même pas une réponse à ça!
Bref, pendant 7 semaines j’ai apprivoisé être seulement Alexandra. Ni une entrepreneure ni une passionnée: juste une femme qui a du temps libre pour faire ce qu’elle aime. J’ai lu des tonnes de livres, des romans et surtout pas des livres de travail. J’ai peint, j’ai marché, j’ai fait du yoga, j’ai pleuré aussi. On va se dire les vraies choses, ça « fesse » frapper un mur. Ce n’est pas vraiment joyeux, mais j’ai quand même décidé de voir les choses du bon côté, avec l’aide de ma famille et mon entourage. Et j’en parle parce que je sais que je ne suis pas la seule à qui ça arrive et je n’ai pas honte d’en parler.
Et après quelques semaines de brouillard, le vent a commencé à le balayer et la lumière de l’horizon est revenue. La lumière revient toujours. Mon cerveau a pu redémarrer par lui même, mais au lieu de reprendre le travail, j’ai plutôt pris le temps de me questionner sur ce que je voulais pour la suite. Est-ce que je veux encore être nutritionniste? Est-ce que je veux encore développer des recettes et faire des conférences? Qu’est-ce qu’Alexandra Leduc désire faire tous les jours? Je me laisse l’opportunité de choisir. Pour le moment je n’ai pas de réponse et c’est correct.
Ce que ce mur m’a appris est que lorsqu’une vague nous renverse, on a deux choix. On peut nager contre la vague pour retourner au rivage le plus rapidement possible même si on est épuisé ou se laisser bercer par la vague et regagner le rivage paisiblement sans perdre d’énergie. J’ai choisi l’option deux. Me laisser bercer par la vie, lui faire confiance et me permettre de choisir ce que je veux pour la suite sans arrière-pensées. C’est ça se permettre de frapper un mur, se permettre d’être humain, d’avoir le droit de changer d’idée ou de changer tout court. C’est ça se permettre d’évoluer. La vie c’est un changement constant de cap, il faut juste apprendre à embrasser les possibilités.
Vous pourrez ainsi lire au cours des prochains mois mon aventure (ben oui, c’est vraiment une aventure) vers peut-être un changement de cap ou pas. Ma quête vers qui je suis profondément vers qui est maintenant Alexandra.
Illustration : Myriam Des Cormiers