fbpx

Et l’argent dans tout ça?

Parmi les choses qu’on m’a dites le plus souvent depuis que je suis travailleur autonome – et artiste, par-dessus le marché! –, les questions d’argent remportent la palme, et haut la main. Je comprends bien sûr d’où viennent ces interrogations et ces doutes : vivre de différents contrats et projets, sans avoir l’assurance de ce qui suivra, peut avoir quelque chose d’effrayant. 

Je dois dire que le parcours du travailleur autonome n’est pas celui que j’envisageais. À vrai dire, avant d’entrer sur le marché du travail, j’ignorais même que cette avenue était possible. Je m’attendais à trouver un poste intéressant comme professeur et créer à temps partiel, entre deux corrections de copies. Comme à beaucoup d’étudiants de ma cohorte, on m’a enseigné qu’il n’était pas réaliste de vouloir « vivre de son art ». Envisager la création à temps plein était donc impensable pour moi, jusqu’à ce que je l’essaie et que je ne puisse plus m’en passer. J’ai alors réalisé que je pouvais aménager ma vie de manière à faire la plus grande place à ce que j’aime, si j’acceptais les sacrifices et angoisses qui viennent avec.

J’ai compris que le métier que j’ai choisi est un métier de doutes, et que cela fait partie de mon parcours. J’ai aussi réalisé que l’argent n’est pas, n’a jamais été, ma priorité. Je ne dis pas que l’argent n’a aucune importance pour moi : ce serait être négligent ou insouciant. Je dis simplement que, dans les choix que je fais, l’argent n’est pas une excuse suffisante. J’ai besoin d’être nourri autrement, de sentir que ce que je fais a une incidence sur moi et sur les gens qui m’entourent. 

Les derniers mois ont été une belle occasion de tester cette direction que j’ai choisie. Jonglant avec mes différentes factures et délais de paiement, j’ai développé certaines stratégies pour affronter le spectre de l’insécurité financière. 

Se rappeler que nous sommes tous différents

Mon budget étant majoritairement fait de prévisions, de projets et d’hypothèses, il est tout à fait normal que mes revenus soient parfois radicalement différents de ce à quoi je m’attendais. Lorsque je crée mon budget, l’essentiel est de faire confiance à ma capacité de rebondir. Me comparer à des gens dont le revenu est plus stable (une personne salariée de manière hebdomadaire, par exemple) ne me serait pas bénéfique. 

Pourquoi est-ce que mes revenus ne ressemblent pas à ceux des autres? me suis-je parfois demandé. Tout simplement parce que je ne travaille pas de la même manière. Une fois que j’ai assumé cela, je peux monter un plan financier qui me correspond plutôt que de chercher à tout prix un « vrai » travail (aussi floue que soit la définition d’un « vrai » travail).

Affronter la bête

La pire des solutions, à mon avis (et ce n’est pas faute d’avoir essayé), est d’ignorer les questions d’argent lorsqu’elles nous insécurisent. C’est bien sûr mon premier réflexe : lorsque je suis tendu ou nerveux, je n’ai pas envie de plonger la tête dans les chiffres. Mais il est important, lorsque mes finances ne s’accordent pas comme prévu, d’affronter la bête, autrement dit de chercher pourquoi elles sont ainsi et comment m’en sortir. L’essentiel est de faire face aux faits et d’être responsable. Si j’ai fait une erreur, mon devoir est d’en tirer des leçons, et de passer à la prochaine étape. Une bonne crème glacée avec beaucoup de caramel peut aider à faire avaler la pilule.

Chercher le grain de sel

Si l’argent est un élément important du quotidien, il est important de se rappeler la valeur de ce que nous possédons d’intangible : les amis, la famille, les petits moments de joie, ne serait-ce que le fait d’avoir un toit sur la tête, est une chance inestimable. Autour de nous, le discours social insiste parfois tellement sur l’économie et la consommation qu’il est facile d’oublier que nous sommes aussi des humains avec des émotions, des amis et d’autres sources de bonheur que l’argent. 

Savoir s’entourer

Un bon comptable et des conseillers financiers efficaces peuvent sauver bien des heures de stress. Si je me définis comme une personne organisée, je reconnais que je ne le serai jamais autant que mon comptable. Je reconnais aussi que je n’en sais pas autant sur mes finances que ma conseillère financière. Dans les périodes d’insécurité, n’ayez pas peur de consulter les ressources à votre portée : votre banque a certainement un conseiller disponible, gratuitement, pour vous. Demandez conseil à des gens de votre milieu, qui connaissent les réalités et difficultés de votre travail. C’est souvent la meilleure manière d’alléger ses soucis.

Enfin, pour tous ceux qui me disent qu’ils ne savent pas comment ils feraient pour être à ma place, vous pouvez vous dire que moi non plus, je ne sais pas comment je ferais. Pour moi, être travailleur autonome est une chance, pas une obligation. C’est un choix de vie qui me convient, qui fait de ma vie un terrain de jeu, où je suis libre d’aménager mon temps et mon budget comme je l’entends. Lorsque je me questionne sur mon choix – c’est-à-dire presque tous les jours…) –, je me rappelle que cette liberté vient avec une responsabilité, qui n’est à mon sens que naturelle.