Accueillir et marquer la différence

À l’occasion de la Semaine québécoise de la déficience intellectuelle et de la Journée mondiale pour la Trisomie 21, je DEVAIS vous présenter le parcours fascinant d’un ancien collègue. Emmanuel « Manu » Rodrigue est directeur de l’Association pour l’intégration sociale (AIS) Beauce-Sartigan et travaille quotidiennement en déficience intellectuelle et en trouble du spectre de l’autisme. Et il est passionné de football. Pourquoi est-ce important? Vous le saurez rapidement! 

Accueillir la différence

J’ai connu Manu il y a près de 10 ans alors qu’il occupait un poste de gérant dans une coopérative étudiante. De son propre aveu, rien à cette époque ne le destinait au métier qu’il exerce aujourd’hui. En février 2009, alors qu’il est embauché à l’école polyvalente Benoît-Vachon de Sainte-Marie, Manu vit également d’une de ses passions : le football! Remplaçant et coach à temps partagé, c’est à ce moment que son histoire d’amour avec la déficience intellectuelle a débuté.

À l’époque, une classe adaptée était chargée, entre autres, de récupérer les canettes vides de l’école. Et ça incluait le vestiaire où Manu passait une bonne partie de son temps. 

« J’ai tout de suite été charmé par eux. Charmé par le plaisir qu’ils avaient à faire leur tournée, à tout ramasser, à tout nettoyer. Et ce, toujours avec le sourire et le souci de bien faire leur travail. J’appréciais leur honnêteté et surtout ce don qu’ils avaient de me faire sentir bien », précise-t-il.

Manu commence alors à les côtoyer sur une base quotidienne et s’invite à leur table pour dîner. Avec les étudiants de cette classe et leur enseignant, il découvre alors un univers et une vision de la vie qui lui étaient totalement inconnus. Mais qui le fascinait!

Vivre ses passions

Bien que son poste d’entraîneur lui permette de vivre pleinement sa passion pour le football, il s’y sent de moins en moins heureux. En parallèle, une autre passion bourgeonne : celle des médias et de la radio. Il prend alors plaisir à commenter le football et a joué le « gars des sports » à la radio beauceronne.

« Lorsque mon employeur a mis fin à mon contrat, il m’a libéré d’un poids énorme. C’est exactement à ce moment que mes ailes se sont déployées. À partir de ce moment-là, je me suis envolé vers une carrière riche en rebondissements », confie Manu.

Il saute alors sur le poste de coanimateur d’une émission matinale. Le Beauceron se souvient de cette époque.

« Je rentrais de ma matinée de travail à 10 h. Il me manquait un “plus”. Je voulais vivre autre chose et avoir l’impression d’être quelqu’un. De faire la différence. »

C’est en février 2012 que tout se met en place. Sans trop savoir à quoi s’attendre, Manu accepte un poste à temps partiel de coordonnateur des loisirs pour l’AIS Beauce-Sartigan. Eh oui, la déficience intellectuelle lui faisait un autre clin d’œil! Et, cette fois, elle l’invitait à danser avec elle.

Le cadet de la famille Rodrigue n’aurait pu souhaiter mieux. « La directrice a rapidement crû en moi, en mes moyens, et a encouragé mes plans de fous! Non seulement les encourageait-elle, mais elle me donnait les moyens de les réaliser en plus! Non seulement ça, elle me permettait de poursuivre ma carrière en parallèle à la radio. »

Le coanimateur devient alors journaliste, avant de prendre la chaise de morning man.

Marquer la différence

Les événements « déboulent » rapidement à l’AIS.

« Je devenais de plus en plus amoureux de cette cause et de ces gens uniques. La déficience intellectuelle et les troubles du spectre de l’autisme me passionnaient. Je me réalisais! Et je réalisais aussi que leur potentiel n’avait de limites que celles qu’on leur imposait. Leur capacité, leur compréhension, leur aptitude… ils m’impressionnaient et m’impressionnent encore chaque jour! »

Les projets se succédaient à un rythme effréné. Salle comble pour trois spectacles mettant de l’avant les membres de l’AIS, club de course pour trisomiques, Manu ressortait plus épanoui à chacune des réalisations! 

En septembre dernier, le jeune professionnel connaît la consécration. Le conseil d’administration de l’AIS le choisit comme nouveau directeur de l’organisme. Extrêmement honoré, il quitte sa carrière à la radio pour s’investir pleinement dans ce nouveau rôle où il est entouré d’une équipe hyperdynamique et créative. Se considère-t-il chanceux d’en être arrivé là? Absolument!

« Cette carrière n’était assurément pas celle que j’avais choisie, mais c’est exactement celle que je choisirais aujourd’hui. Et j’emprunterais le même parcours, celui des passions et de l’apprentissage de celles-ci. Bien des gens n’auront pas ma chance avec les études appropriées. Moi, sans cours en radio ni diplôme d’éducation spécialisée, j’ai réalisé tout ceci et j’ai bien l’impression que cette aventure n’est pas terminée » s’enthousiasme le nouveau directeur.

Lorsqu’on le questionne sur le choix de cette cause, la réponse d’Emmanuel Rodrigue est toujours la même.

« Cette cause, je ne l’ai pas choisie. C’est elle qui m’a choisi et je la remercie d’avoir fait de moi qui je suis aujourd’hui ».

Une explication qu’on comprend très bien à la lecture de ce conte de fées bien à lui.