fbpx

Comment j’ai contré la peur du Monstre de la sédentarité

En décembre 2015, j’ai enfin pris le temps de terminer la décoration de mon appartement. Depuis quelques mois déjà, je collectionnais des œuvres faites par mes amis dans le but de les afficher dans un ensemble plus-que-parfait sur le mur vide de mon salon : mon mur inspiré. Attention, ce billet ne sera pas un article DIY déco. Il explique comment j’ai combattu le Monstre de la sédentarité.

Voyez-vous, c’est que… j’ai un tempérament nomade.

Nomade, avec une tendance sédentaire-hypocondriaque. J’ai besoin de bouger, autrement j’ai l’impression que je n’avance pas. Et l’idée de stagner m’effraie au plus haut point. Il y a tellement à vivre et à voir, que l’idée de rester toute ma vie au même endroit me fout la trouille! Je suis comme ça depuis… depuis toujours en fait! Je mets le blâme sur la génétique : ça traine dans la famille.

Adolescente, je m’imaginais une vie de journaliste-reporter à l’international. L’idée de parcourir le monde sans domicile fixe pour rencontrer des gens, pour raconter leurs histoires me fascinait. Je voulais mettre en mots et en images ce qui est trop loin de nous et de notre réalité puis le ramener ici pour le faire vivre aux autres. Il faut dire que j’ai eu la piqûre des voyages assez jeune! À 24 ans, j’avais visité plus de villes européennes que de villes au Québec. Aujourd’hui, à 28 ans, je compte 14 déménagements à mon actif. 

J’ai soif de découvertes. Mais je vais avouer que, depuis quelques années, c’est aussi l’oeuvre du Monstre de la sédentarité. Quand il me rend visite, j’ai envie de partir au bout du monde pour rencontrer ce que je ne connais pas encore.

Se trouver un chez-soi en 2 étapes faciles

Le Monstre de la sédentarité est sournois et subtil… jusqu’au moment de prendre les commandes. Il installe le doute à coup de « et si… », de « oui, mais….». Il sème l’insécurité avec de l’herbe de voisin 400% plus verte. Il pousse l’envie en formats panoramiques de photos de voyage plus grandes que nature. Il syntonise la vision de notre vie sur le câble monochrome de « Bienvenue à Pleasantville » (la partie en noir et blanc seulement). Et c’est après ces manipulations qu’on doit agir.

La méthode est simple : 1. En avoir assez de l’endroit où l’on se trouve. 2. Profiter de la prochaine occasion qui se présente et sauter dessus sans trop réfléchir en se disant que quelque chose de bien va sortir de tout ça. À noter que ça s’applique pour la maison, la ville, mais aussi pour le travail.

Voilà maintenant 3 ans que je suis établie à Québec. Que j’ai commencé ma « vraie vie d’adulte ». La première année était un test. « Est-ce que je vais aimer, me sentir à ma place? On essaie et on verra ensuite! » En mettant les pieds dans la capitale, j’étais en terrain inconnu. Je me suis lancée dans le vide. Littéralement. Ce sentiment euphorisant de liberté, de nouvelle vie qui commence, m’habitait à nouveau. Mais voilà… ça fait 3 ans. Et, quelques fois, j’attends la grande révélation qui me confirmera que c’est vraiment ici chez moi.

Passer GO sans réclamer 200$

J’ai longtemps eu ce sentiment de vivre « en attendant ». En attendant la fin des études, en attendant de partir à l’étranger, en attendant d’amasser assez d’argent pour repartir, en attendant un meilleur emploi, en attendant de trouver l’amour. En attendant que ma « vraie vie » commence. Je laissais les choses aller en me disant qu’il y aurait toujours plus ailleurs, plus loin, plus tard. En attendant d’avoir ce qu’il me manque… au lieu de profiter de tout ce que j’avais devant moi. 

Dernièrement, j’avais une discussion avec un ami. Je lui faisais part de mes inquiétudes sur le choix de rester ici. « Je suis bien, je me sens chez moi. Mais… et si j’étais en train de manquer quelque chose ailleurs? Et si, en fait, je devais être ailleurs? Est-ce que je perds mon temps ici? » Je ne parle pas du FOMO et de la peur de manquer un événement. C’est plus grand. Et c’est dans ces moments que le Monstre de la sédentarité en profite pour faire son tour et cogner doucement à la porte…

Mon ami m’a expliqué que c’était en fait un choix. « Tu choisis de poser cette action. Tu choisis de t’établir ici. Un jour, si tu découvres que ce n’était pas le bon choix, tu recommences et c’est tout. C’est ça, la vie. C’est une succession de choix. » Doux Jésus! Il avait raison. C’était aussi simple que ça.

« Home is where the heart is »

Un jour, on réalise qu’il n’y a pas d’en attendant, que c’est LÀ, maintenant, qu’il faut profiter de ce que la vie nous donne. Attendre que quelque chose de magique se passe, ça ne vaut pas la peine. Tout prend du temps. Et c’est le chemin pour s’y rendre qui est magnifique.

Aujourd’hui, l’envie de repartir se fait moins pressante. Et celle d’utiliser les termes « chez moi » devient un peu plus présente. (C’est ça qu’on appelle vieillir?) En décembre dernier, poser des cadres sur un mur était un geste important, aussi simple soit-il. Ça impliquait que je suis en train de m’établir. Que je décidais que là, maintenant, je choisissais de bâtir quelque chose, ici. Et pendant que j’accrochais au mur le dernier cadre, le Monstre de la sédentarité, avec qui j’étais en duel, a capitulé.

Ce que j’ai appris, avec tous ces déplacements, grâce à toutes les personnes qui ont croisé mon chemin, c’est qu’on peut être chez soi n’importe où. Ce sont les gens autour de nous qui font en sorte que l’on se sente heureux, bien et à la maison. J’ai aussi compris que s’installer ne voulait pas nécessairement dire qu’on se contraint à rester au même endroit toute une vie. Qu’il est possible de bouger et de découvrir tout en ayant un certain pied à terre. Sans avoir à fuir. Parce que se pousser au bout de soi, c’est important. Et on n’a pas nécessairement besoin d’être au bout du monde pour le faire. 

Le Monstre de la sédentarité ne s’est pas repointé à la porte depuis. Je vais m’assurer de lui envoyer une carte postale lors de mon prochain voyage.