fbpx

Philipp, le voyageur qui rêvait de devenir pilote

J’ai hésité longtemps avant de publier cette histoire. Parce que je me doute bien que ma famille, mes amis, des collègues de travail pourront la lire et porter un jugement inapproprié. C’est toujours ce qui arrive quand on côtoie des gens sur une base régulière, des personnes qui croient nous connaître mieux que nous-mêmes, mais surtout, et c’est le pire, qui prétendent savoir ce qui est mieux pour nous.

Je vais tout même de vous divulguer une partie de mon aventure dans l’Ouest, une partie plus personnelle, plus privée. Ce fut l’une des rencontres les plus incroyables de mon voyage. Vous savez, le genre de rencontre qui nous mène parfois au-delà de ce que nous aurions pu croire possible.

C’est sur la route vers Haida Gwaii que j’ai rencontré Philipp, un jeune voyageur qui rêvait de devenir pilote. Certes, il était jeune et d’une belle apparence, mais son âme était si pure qu’il comprenait le langage du monde, celui qui l’a poussé un bon matin à prendre le large. Une âme qui aspirait à faire de ce monde un meilleur endroit pour vivre. Sa maturité m’épatait et j’admirais sa détermination.

Nous sommes restés ensemble pas moins d’une semaine sur une fermette. Notre relation était basée sur la confiance, l’abandon total, sans peur et sans préjugés, sans prétention. Nous étions nous-mêmes, nous étions à notre meilleur et nous admirions réciproquement notre maturité. Une admiration mêlée à une volonté d’apprentissage : apprendre de notre voyage, de ce que nous pouvions en retirer et de ce que nous pouvions nous apporter l’un l’autre.

Notre amitié était particulière, empreinte de contrastes; d’abord froide, puis chaleureuse. Parfois dure, parfois douce. Mais c’était une harmonie typique du Yin et du Yan. Le jour nous travaillions d’arrache-pied chacun de notre côté puis, le soir venu, nous vivions des nuits passionnelles comme j’en ai rarement connu.

Tout s’accordait précisément. Nous chantions le même air, dansions au même rythme et le concert qui s’orchestrait chaque fois était plus épatant que celui de la nuit précédente. À un certain moment, j’ai laissé entendre que j’avais l’intention de partir.

« J’ai l’impression que j’ai quelque chose à faire à l’île de Vancouver, je n’ai aucune idée de quoi il s’agit, mais je sais que je ne trouverais pas ce que je cherche sur cette fermette. »

« Si tu veux partir, pars, je ne te retiens pas. Tu as une raison d’être sur cette île et tu dois la trouver. Je comprends parfaitement. J’ai trouvé la mienne, et c’était toi. Tu m’as appris à apprivoiser la femme, à mieux la comprendre et à faire en sorte que j’aie les outils pour avoir confiance en moi et en ce que je fais. S’il est venu le temps pour toi de partir, alors pars. Pour ma part, je compte demeurer sur cette fermette jusqu’à nouvel ordre. »

J’ai eu les larmes aux yeux. Je savais qu’il avait raison, qu’il était temps pour moi de plier bagage, mais mon cœur était lourd à l’idée de devoir le quitter.

« Ne pleure pas. Nous avons passé du bon temps ensemble. Les voyages sont remplis de rencontres comme celle-ci. Il est toujours difficile de se dire adieu, mais mieux vaut vivre des adieux que de ne rien avoir vécu du tout. Tu fais désormais partie de l’histoire que je vais raconter en parlant de mon voyage, et je ferai aussi partie de la tienne. Nous avons développé des souvenirs que je chérirai dans ma mémoire et je te remercie pour ce que tu as su m’apporter. J’ai envie que tu restes, mais j’ai encore plus envie de te voir heureuse. Fais ce que tu crois faire de bon et sois heureuse. »

À ce moment, un hydravion est passé au-dessus de nous. Philipp a levé les yeux vers le ciel. Au fond de mon être, j’ai pensé : « Je t’en prie Philipp, promets-moi de devenir pilote. Promets-moi que tu vas essayer. Ça, ça me rendrait heureuse. »

Mais au lieu de ça, je lui ai dit : « C’est bon, je partirai demain. »