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Repousser nos limites grâce à la maladie

Saviez-vous que juin est le mois de la sensibilisation à la SLA? Voici un billet en l’honneur de cette cause.

Mon chum a reçu le diagnostic de la sclérose latérale amyotrophique en février 2014. Il avait alors 40 ans et moi, 34. Notre plus vieille avait 2 ans et demi et notre dernière avait 2 mois. Vous avez peut-être participé à l’une des plus grandes campagnes de sensibilisation sans même savoir que vous le faisiez pour cette cause, soit le Ice Bucket Challenge. Vous pouvez d’ailleurs visionner notre vidéo familiale du défi qui a été reprise par la Société de la SLA du Québec dans un courriel de sollicitation. Juste pour voir la réaction de notre cocotte à la fin, ça vaut la peine! 

Aider son conjoint, quand on vieillit et que la vie apporte son lot de bobos, c’est presque devenu normal. Accompagner son conjoint, toutefois, quand on est dans la trentaine et qu’en plus on a de jeunes enfants, c’est une autre paire de manches!

Se respecter dans ses peurs

Quand une nouvelle comme celle-là vous tombe dessus, il est fort possible que vous ayez envie de vous sauver en courant. Moi j’en ai eu vraiment envie! Sérieusement, je voulais mettre une pancarte à vendre devant la maison et refaire ma vie. J’ai finalement décidé de rester et de passer à travers cette épreuve (je dirais plutôt aujourd’hui aventure, c’est plus positif) en famille. Nous avons décidé ensemble de nous adapter au fur et à mesure. On s’entend que ni l’un ni l’autre n’avions une expérience quelconque dans ce domaine. Chaque jour nous sommes face à l’inconnu et, vous le savez aussi bien que moi, l’inconnu, ça fait peur!

Définir ses limites

Tous les professionnels de la santé que j’ai consultés m’ont conseillé de définir mes limites et de les nommer. Comment pensez-vous qu’on définit nos limites quand on a toujours vécu en fonction d’aider les autres? On m’appelait « Mère Teresa » au secondaire! En devenant maman, je me suis aussi oubliée pour un certain temps. Vous avez donc devant vous une fille dont la mission au secondaire était d’aider les autres, qui a étudié en psychologie pour aider les autres, qui s’est oubliée en ayant des enfants et qui doit maintenant définir ses limites? Non, mais, ce n’est pas sérieux, c’est presque mission impossible!

Ma plus grande crainte il y a quelques mois, c’était d’aider mon conjoint en ayant dépassé mes limites et de m’en rendre compte trop tard. Mais voilà ce que j’ai compris aujourd’hui : les limites sont là pour être repoussées au meilleur de nos capacités.

Se faire confiance

Mes barrières à l’annonce du diagnostic ne sont plus les mêmes aujourd’hui. Si quelqu’un m’avait dit il y a deux ans que j’allais aider mon chum pour faire telle ou telle chose pour lui, j’aurais dit : « Es-tu malade toi, pas question! » Aujourd’hui, on s’est adapté aux changements qu’apporte la maladie. On évolue en même temps qu’elle. Elle est devenue celle avec qui on partage notre quotidien. Mon chum repousse constamment ses limites. J’ai repoussé les miennes aussi. Comment? En me faisant confiance. En me laissant le choix de dire non. En me laissant le choix de dire : « Oh là, c’est trop pour moi. Attend que j’y pense un peu et on verra dans quelques jours. » Souvent, mon ego lâche prise et mes limites se repoussent d’elles-mêmes.

Chaque personne est différente. Pour connaître ses limites, il faut avoir confiance que notre corps, notre tête et notre cœur nous montreront le chemin à prendre. J’aime bien employer l’image du GPS. La destination finale est inscrite à l’intérieur de nous, mais on peut choisir le chemin qu’on veut pour s’y rendre. Il n’y a pas qu’un seul parcours, qu’une seule route. Parfois on peut faire des détours, parfois, on choisit de passer par un autre chemin pour admirer un plus beau paysage.

Se permettre d’exister

Ce n’est pas une formule magique que je prononce et qui me donne plus de courage. Je consulte régulièrement ma travailleuse sociale. Je rencontre également mon médecin. Je suis suivie par un chiropraticien. Depuis les derniers mois, j’ai dû creuser à l’intérieur de moi au plus profond, là où je n’étais jamais allée. Pas pour trouver des bibittes pour le plaisir de régler des blessures d’enfance. Je suis allée puiser l’énergie nécessaire pour continuer à avancer. J’ai même pris un arrêt de travail de quelques mois. Tout ça afin de me permettre de laisser sortir ma colère, pour vivre chacune des émotions désagréables, pour enfin me permettre d’accepter et de poursuivre mon chemin, notre chemin.

Il faut aussi s’accorder du temps en tant qu’aidant. Il faut se permettre d’exister. J’ai participé une seule fois à une rencontre d’aidants et je suis restée avec une sensation bizarre à l’intérieur, jusqu’à ce que je mette le doigt dessus. Mon chum était dans le groupe à côté. Deux groupes fermés pour permettre à chacun de s’exprimer librement. À notre sortie, nous avons échangé sur nos expériences respectives.

J’ai eu une révélation. Le groupe des personnes atteintes avait partagé des idées, des trucs. Ils avaient parlé d’eux. Dans le groupe des aidants, on avait pratiquement que parlé d’eux aussi! Quand j’ai demandé à mon chum s’ils avaient parlé de nous, leurs aidants, assis dans la pièce à côté, il m’a regardé d’un air surpris en disant : « Euh non, pourquoi? ». La maladie rentre dans chacun des pores de la peau. On finit par être la maladie. Les aidants, dans cette pièce, n’existaient que pour les aidés. Moi aussi finalement.

Si je pouvais nous donner ne serait-ce qu’un seul conseil, truc ou avertissement, appelez ça comme vous le voulez, chers aidants, ce serait: redéfinissons-nous. 

Replaçons-nous au centre de notre vie. En nous accordant tout l’amour et toute l’attention que nous méritons (la même que nous accordons à la personne atteinte), nous serons plus en paix avec nos choix.