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Sauver un camp de vacances, Ariane et ses collègues l’ont fait

À l’automne 2014, Ariane Crépeau-Rousseau apprend que le Camp De-La-Salle, qui offre des séjours en plein air aux jeunes de 5 à 16 ans depuis 1952, s’apprête à fermer ses portes. L’ancienne monitrice, aujourd’hui devenue kinésiologue et enseignante en éducation physique au collégial, décide alors de « sauver le Camp » avec d’autres anciens moniteurs.

Comment cette aventure a-t-elle commencé?

En 2013, j’ai entendu une rumeur qui disait qu’un des grands chalets du Camp serait condamné en raison de travaux trop coûteux. Un groupe d’anciens moniteurs s’est alors mobilisé. Ensemble, on a décidé de créer un événement de collecte de fonds, le Défi CDLS. Le Défi a eu lieu le 20 septembre 2014. Quatre jours plus tard, on recevait un communiqué des propriétaires du Camp annonçant carrément sa fermeture à cause de difficultés financières.

Quelle a été ta réaction à cette annonce? 

Pour moi, tout comme pour les autres anciens moniteurs mobilisés, c’était inconcevable que le Camp ferme. Cet endroit fait vivre des moments inoubliables aux jeunes et les fait grandir. Je ne pouvais pas accepter que les jeunes n’en bénéficient plus, spécialement ceux de milieux moins favorisés qui viennent vivre la semaine de leur vie grâce au financement assuré par la Fondation Camp De-La-Salle! C’était un peu l’état d’urgence, alors on est passé en mode « action » très rapidement. 

Qu’avez-vous fait? 

On voulait à tout prix éviter la vente du Camp! On a donc décidé de créer un organisme à but non lucratif, le Centre De-La-Salle. L’idée était de devenir gestionnaire du Camp et de ses opérations, sans toutefois l’acheter parce qu’il était beaucoup trop cher pour nos moyens. Au fil des discussions, les propriétaires ont accepté cet arrangement pour cinq ans. Ça nous laissait le temps de mettre en place des stratégies sur plusieurs volets pour positionner à nouveau le Camp dans le marché, le tout bénévolement. 

Sans tes collègues, te serais-tu lancé dans ce projet? 

Jamais! Ce projet a mobilisé plusieurs générations de moniteurs, tous nostalgiques des étés magiques passés au Camp. De cette nostalgie sont nées beaucoup de motivation et d’énergie. Notre conseil d’administration est composé de sept personnes âgées de 25 à 55 ans aux forces complémentaires, et tous s’investissent pleinement et bénévolement dans le projet. On travaille de près avec le directeur général, un pilier du Camp, et ses adjoints. On se nourrit mutuellement de motivation, on se fait confiance et on sait qu’on peut compter les uns sur les autres. 

Quels sont les plus gros défis que vous ayez rencontrés? 

On s’est lancé dans ce projet entrepreneurial tête première en se disant que si on voulait avoir une chance de réussir, il fallait se donner à fond. Vu qu’on a tous gardé nos emplois respectifs, c’est comme si on menait chacun deux carrières de front en même temps, l’une rémunérée et l’autre non. Au début, le rythme était fou. On a refait le site web, cherché du financement, recruté des ambassadeurs, créé de nouveaux séjours plein air… Le tout avec très peu de ressources humaines et financières. 

On a aussi du faire attention à ne pas épuiser nos réseaux. Au début, on a beaucoup sollicité nos familles et amis pour qu’ils nous aident de différentes façons. On a compris en chemin qu’il fallait y aller doucement avec eux puisque leur appui est vraiment important et apprécié. Disons qu’on a beaucoup appris et qu’on apprend encore tous les jours! 

Comment as-tu réussi à garder le rythme?

J’ai beaucoup travaillé. Tous les jours, fins de semaine et soirs inclus. J’ai coupé dans les volets « social » et « couple » de ma vie. Heureusement, mon copain, ma famille et mes amis me soutiennent dans ce projet depuis le début et sont très compréhensifs. Malgré ce que certains peuvent penser, j’ai toujours été volontaire pour mettre autant d’efforts dans ce projet. Même si c’est prenant, ça me rend vraiment heureuse.

Est-ce que c’est ce qui te pousse à continuer? 

Tout à fait! On voit que nos efforts portent fruit, que les jeunes qui profitent d’un séjour en ressortent grandis. C’est impressionnant de voir le changement qui s’opère chez les jeunes en seulement une semaine. Les enfants arrivent en étant timides et craintifs et ils repartent avec un grand sourire et de nouveaux amis. Notre leitmotiv au Camp, c’est l’épanouissement des jeunes, et c’est le mien également. Pour moi, c’est très important de les inspirer, de les aider à découvrir des passions. Ça me fait beaucoup de bien de sentir que j’apporte une contribution à la société. Je considère que c’est du temps et de l’énergie bien investis, même si ça ne me rapporte pas de salaire.

Quelle est la suite? 

On reste déterminés et très actifs pour que le Camp continue de bien fonctionner. Il se porte de mieux en mieux, on a une équipe de moniteurs incroyables pour l’été 2017 et les enfants sont au rendez-vous, mais il reste beaucoup de travail à faire. C’est pourquoi j’ai pris la décision l’été dernier de ralentir mes activités professionnelles pour consacrer plus de temps à la fois au Camp et à moi-même. Au final, j’ai un moins gros salaire, mais je retrouve un rythme de vie plus normal tout en continuant à avoir un impact social positif. Un choix de vie qui me rend bien heureuse! 

 

Crédit photo: Laurence Gauvin-Joyal