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Les souliers de danse

Quand je passe la porte de ma chambre tous les matins

Je les vois

Mes vieux souliers de danse

Ceux qui ont servi si souvent

Il y en a deux paires. L’une, féminine, aux talons hauts, brille, peu importe l’éclairage, et

fait sentir l’élégance jusqu’au bout des orteils. L’autre, bien à plat, comme une deuxième peau,

fait tourner le pied au moindre élan.

 

Je les ai laissés derrière la porte pour m’assurer de les voir chaque jour

Quand je passe le cadre futilement, mon regard s’oblige à arrêter

Et je fais une pause en dedans de moi

Une pause que je me savais affliger en posant les souliers là

 

Il y a quelques jours

Je suis devenue chaire pour une heure

Une heure seulement

Pour enlever un morceau

De moi

 

Charcuterie dira-t- on, chirurgie pour être plus juste

Un morceau de dos a été retiré

Et moi j’éprouve tendresse

Ce dos, il lui manque une pièce

 

 

Je voudrais regarder en avant «tout redeviendra comme avant»

Mais devant il y a les souliers de danse

Et la possibilité qu’ils se couvrent de poussière

Qu’ils ne s’usent que par le passage du temps

Et qu’avec le temps ma jambe ne suive pas le pas…

 

Or ce qui me fait le plus peur

Ce que je redoute par-dessus tout

C’est qu’il ne reste qu’un souvenir de l’état indescriptible qui m’envahit quand je pose

un pied sur la piste.

 

Cet état qui me fait plonger dans mon propre corps, dans ma profondeur, comme dans ma

légèreté. Cet état qui me rend connectée aux autres corps, à l’espace, comme si je

fusionnais avec lui. Cet état qui réveille mes sens et l’air qui caresse la peau en tournant.

Cet état qui freine mon mental et m’entraîne dans le rythme des sons, des autres chaires

et de la vie.

 

Comme la danse il y a de ces pratiques qui ont un pouvoir inexpliqué

Celui de faire vibrer, de réveiller chaque cellule ensommeillée

Mystérieux, complexe cet état de complétude absolu

Qui absorbe, donne accès au «soi le plus créatif»

 

 

Mais qu’est-ce que ce fameux état, cette sensation d’éveil à son soi le plus créatif?

Quand l’intuition, le cœur et la pensée battent au même rythment…

Quand les aiguilles quittent l’horloge et que le temps n’est plus…

Quand la tâche devient aisance, agilité, inspiration…

Quand le monde intérieur se fusionne au monde extérieur…

Quand l’instant devient nourriture vibratoire de l’esprit…

Et que l’organisme tout entier s’éveille à l’espace, à la nature, à la vie…

 

Merci, le soi le plus créatif se manifeste sous autant de parfums qu’il existe de fleurs

Si la danse m’abandonne à lui, d’infinies voies mènent à lui

Le pied tombe sur la piste et le corps trace de nouvelles formes

La main touche la peinture et la fresque d’une vie se déploie

La bouche transporte les maux du cœur et naît une parole vierge

 

Au final, les différents chemins qui mènent à son soi le plus créatif ont ceci en commun :

ils mobilisent l’attention dans le moment présent dont nous sommes en train de faire

l’expérience. Ce précieux instant où l’on peut basculer de l’automatisme à l’éveil, et ainsi

s’ouvrir aux profondeurs de nos possibilités. Cet instant où l’on peut laisser vivre notre

intuition, nos émotions et notre sensibilité, et ainsi écrire le présent à l’image de notre

vérité.

 

Le soi créatif, porte vers un univers inconnu

Face à la danse, m’insuffle à me réinventer

Bien droite, chaussures aux pieds

Mon corps limité ne se limitera pas à ce qu’il connaît

 

Pouvoir du corps, des rythmes et de la psyché

Forment la cadence de l’expression renouvelée

Mes jambes sauront tracer leurs propres pas

Sur les rythmes qui grondent et vivent en moi

 

 

Qui a un corps sait danser

Qui a la créativité peut se réinventer