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Elisabeth : se perdre et se retrouver

J’ai rencontré Elisabeth lors d’un atelier sur l’introspection, au collaboratoire des Inspirés. En quelques minutes, la jeune femme a surpris tout le monde par sa clairvoyance. Alors que nous devions nous attribuer des qualités sans nous connaître, elle cernait chacun avec une précision déconcertante. Nous devions ensuite comparer notre vie actuelle et celle de nos rêves. Elisabeth était la seule dont les deux scénarios se ressemblaient. Elle nous a expliqué comment elle en était arrivée là. Captivée par sa narration, j’ai voulu en savoir plus. C’est dans mon salon qu’Elisabeth s’est livrée à l’exercice de l’entrevue avec un naturel déconcertant et une joie de vivre contagieuse. Voici son histoire.

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Difficile d’imaginer qu’il y a quelques mois les simples gestes du quotidien relevaient du défi pour cette jeune femme pétillante. À l’automne 2015, alors qu’elle part en vacances pour se reposer, son corps ne répond plus. Une consultation chez le médecin confirme le tout : dépression… burn-out. S’ensuivent cinq mois d’arrêt de travail. Un temps durant lequel elle fera le deuil de sa vie passée et qui lui permettra de cheminer pour retrouver son identité perdue au cours des années.

«Les petites victoires du quotidien c’était d’être capable de manger autre chose que des céréales et de me laver. Je me suis retrouvée mise à nue : pour moi c’était vraiment un échec. J’étais beaucoup dans le déni, pendant plusieurs mois», relate-t-elle aujourd’hui avec le sourire.

Se retrouver

Une thérapie cognitivo-comportementale, basée autour de la pensée et de l’action, lui permettra de s’en sortir, jumelée à une prise de conscience qui l’a amenée à travailler plus que le diagnostic initial. Elle se retrouve alors face à elle-même et à ses démons : l’anxiété, un manque d’estime de soi lié à un problème de boulimie et un perfectionnisme trop élevé.

«J’ai toujours voulu être à la hauteur et bien paraître. Je me suis rendu compte que je ne connaissais plus Elisabeth. J’avais tellement pris soin de tout le monde autour de moi que je ne savais pas ce que moi j’aimais.» Elle a donc appris à identifier de nouveau ses besoins et à être à l’écoute de son corps.

«Avant je disais oui à tout, notamment par convention sociale, mais il a fallu que je me remette en perspective, pour découvrir ce qui me faisait vraiment plaisir.»

Sur les conseils de la thérapeute, elle liste ses goûts, qu’elle compare aux critères demandés sur un site de rencontre. «Quels livres j’aime, quelle musique j’écoute, quels sont mes loisirs… J’ai regardé ce que j’aimais faire avant et je me suis rendu compte qu’il y avait un fil conducteur. Aujourd’hui, après avoir fait la paix avec la nourriture, je sais que j’aime le gâteau aux carottes et le chai latté!», lance-t-elle dans un éclat de rire. Autre élément qui a découlé de ce travail : apprécier chaque moment et retrouver sa fibre artistique.

S’aimer un pas à la fois

Ce travail sur elle-même lui a permis de développer son amour-propre et de valoriser ce qu’elle aime.

«Focusser sur sa vie personnelle, ce n’est pas être égoïste. Il faut que tu t’aimes pour aimer les autres. Je peux penser à moi tout en mettant les autres en valeur. Et c’est correct aussi de ne pas avoir les mêmes envies qu’avant. C’est important de se redéfinir en permanence, il faut trouver là où on se sent bien. 

On peut alors balancer l’horaire et faire ce que l’on aime pour apprécier davantage le temps que l’on a. Si tu te rends compte que tu aimes sortir ton chien, mais que tu passes plus de temps à regarder la télé, peut-être que tu ne mets pas tes énergies au bon endroit.»

Elisabeth a d’ailleurs fait du temps son allié. «Je pars 5-10 minutes plus tôt le matin; ça m’a enlevé du stress et je suis plus zen. Ce sont 10 minutes qui font une différence dans ma journée. Avant je courais tout le temps, maintenant j’apprécie le moment.»

Changer de perspective

Je lui ai demandé ce qui avait vraiment changé depuis cette expérience.

«Mes journées sont similaires, mais ma perspective est complètement différente. J’ai éliminé le stress de ma vie personnelle. Le stress ce n’est pas tangible, c’est la boule que j’ai en dedans. Physiquement, mon corps le ressent.

Faire du yoga quatre fois par semaine ne m’aidera pas si j’ai toujours ce stress qui m’envahit. C’est plutôt de laisser aller, d’être plus positive dans mes pensées. Je crois que je voyais les choses comme un plus lourd fardeau qu’elles ne l’étaient. Des moments comme Noël, moment propice à raconter les derniers mois et à manger tout ce qui nous tombe sous la main, je stressais plutôt que de voir le côté positif.» 

« It’s not what you do, it is who you are » est devenu son mantra, après avoir réalisé que lorsqu’on ne peut pas toujours se définir par son travail (arrêt de travail oblige), on se définit bien plus par… qui on est réellement.

«J’ai réalisé que le travail occupe beaucoup notre temps, mais que notre but à long terme, lui, n’est pas juste dirigé par le travail. Il faut trouver un équilibre avec notre vie personnelle.» Notre vie n’est pas si différente au fond, les journées se ressemblent. On ne peut pas toujours changer les choses, mais on peut changer notre perspective. Comme le disait un participant au collaboratoire : quand il y a de la pluie, on voit autant ceux qui grognent que ceux qui jouent dans la bouette avec leurs enfants. On peut apprendre à regarder les choses d’un autre point de vue.

Regarder le chemin parcouru permet aussi de mettre les choses en perspective. Parfois, on manque d’indulgence avec soi-même. On se dit qu’on n’a pas avancé depuis hier, mais si on regarde dix ans en arrière, on se rend compte de notre évolution» ajoute-t-elle.

Garder la foi

Bien que ce passage à vide ait été difficile, elle croit que cette dépression a été la «pire chose qui lui soit arrivée, mais pour le mieux».

«À ce moment-là, je gardais en tête que quelque chose de mieux m’attendait. Le vivre à ce moment m’épargnerait peut-être de le vivre plus tard. Chose certaine, aujourd’hui, je suis paisible. Je devais le vivre à ce moment, sans quoi sinon la situation m’aurait échappée : je me mettais trop de pression pour tout réussir.

Il y a des journées où je ne faisais que pleurer, où je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. C’est une chose de lire sur la dépression, mais quand on le vit, on réalise vraiment. Je ne voyais pas l’arc-en-ciel après la pluie. Je me rendais compte que je ne pouvais plus faire d’activité physique, car mon corps ne répondait plus, moi qui étais passionnée de raquette et de sports d’hiver.»

Voir des personnes autour d’elle qui vivent eux aussi des moments difficiles lui permet de reprendre des forces. «Ça m’a encouragée à aller mieux». En plus d’être soutenue par ses amis et un professionnel, elle reprend à dose homéopathique des activités qui lui plaisent et apprend à valoriser ses choix. Elle est aussi reconnaissante de ne pas être tombée dans le piège de la solitude. «J’ai eu mes moments en boule dans le noir, mais j’ai eu de la chance d’être bien entourée.»

Retourner aux sources

Aujourd’hui, après une période en Alberta et dix ans passés à Montréal, qu’elle disait ne jamais vouloir quitter, elle retourne «aux sources», à Québec pour retrouver les gens qu’elle aime, mais aussi pour développer sa fibre artistique. La vie lui a offert une nouvelle opportunité de travail, mais ce qu’elle souhaite avant tout, c’est se consacrer à de nouveaux projets personnels… et en profiter pour s’impliquer avec les Inspirés! (En effet, Elisabeth sera notre nouvelle coordonnatrice design et directrice artistique. Et elle a une foule de bonnes idées!)

Elle a appris à laisser aller le côté perfectionniste et profiter de chaque moment.

«Je me rends compte qu’être heureuse, c’est tout plein de petites choses. Une journée complète avec une d’entre elles, c’est une journée idéale », conclut-elle.

 Crédit photo : Elisabeth Rancourt