Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort
Dernièrement, une amie de longue date de ma famille est venue nous visiter dans mon Bas-Saint-Laurent natal. Il y a de cela 3 décennies, elle et ma mère se sont rencontrées sur les bancs d’école. Deux futures TRP qui tripaient ensemble au Cégep de Sherbrooke, et qui ne sont jamais perdues de vue depuis. Aujourd’hui, Julie a 51 ans, les yeux rieurs et l’âme d’une épicurienne. Incarnant la sagesse, de la racine des cheveux jusqu’au bout de la voix, elle transpire l’inspiration.
Pour échapper au bruit et au rythme effréné de Montréal, elle a plié bagage le temps d’une escapade dans le Bas-du-Fleuve, sa cadette comme copilote. Loin de la « Grand’ville », à des années-lumière du stress et de la vitesse, elle recharge ses batteries, une coupe de vin à la main, l’air frais et salin plein les poumons. Je l’écoute parler avec ma mère, lui raconter les dernières années passées à courir après le temps, à élever ses filles et à tenir à bout de bras des histoires pas toujours si roses.
Elle en a vécu, des épreuves, en sept ans : deuil par-dessus deuil, nouveaux défis et choix professionnels qui ont entraîné pression, épuisement, ruptures, alouette. Je l’écoutais, en silence, fascinée devant tant de maturité et de contrôle de soi. Et de lâcher prise aussi. « Cette femme-là, c’est un monument! », que je me disais tout bas. Solide. Droite. Fière. Du haut de ses 5 pieds (avec talons hauts), elle a un je-ne-sais-quoi d’indestructible.
Et puis j’ai compris. Réellement compris. « Ce qui ne me tue pas me fortifie. » (Nietzsche, celle-là, c’était pas ta meilleure.)
Vous êtes prévenus : ne me dites jamais une telle absurdité si un jour vous me voyez forcer et souffrir au gym, le visage rouge vif et en grimace, ruisselante de transpiration.
Blague à part, lorsqu’on a le cœur en mille miettes, c’est la dernière chose qu’on a besoin d’entendre. Et qu’on veut entendre. Ce qui ne nous tue pas (mais presque), que ce soit les épreuves qui nous font perdre des plumes au passage ou les virages plus difficiles et imprévus… ça fait mal. Inévitablement. Mais notre cœur a cette incroyable faculté de lutter pour sa survie. Il cherche l’équilibre à tout prix, la paix coûte que coûte. Julie a donc lâché prise. Malgré les obligations, un horaire trop chargé et un million de responsabilités, son cœur a dit stop parce qu’il ne pouvait plus suivre son esprit.
Elle est partie sur un autre continent, s’est exilée loin de tout terrain connu. Ébranlée, certes, mais avec une envie plus forte que jamais de respirer. Puis, une fois seule, en tête-à-tête avec elle-même, elle a fait la paix avec les coups durs des derniers mois. En parfaite connaissance d’elle-même, de ses limites et de ses forces.
Je crois que ces épreuves qui ne nous tuent pas nous heurtent plutôt à nous-mêmes. Et nous ne sommes plus vraiment les mêmes après. On ne devient pas indestructible ni insensible, au contraire. On parvient seulement à construire son monument intérieur avec les bons matériaux, ceux qui résistent mieux aux marques laissées par le temps.