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Je travaille donc je suis?

Je ne suis pas carriériste. Je suis même anti-carriériste. Ce n’est pas que je manque d’ambition, loin de là. J’en ai plein d’ambition, notamment : écrire mieux et plus, lire beaucoup, apprendre toujours et être heureuse.

Dans les dernières années, je me suis beaucoup questionnée sur le travail que je voulais faire : il devait être créatif, mais un tant soit peu lucratif, plein de rebondissements sans être précaire, en lien avec le public tout en me donnant beaucoup d’indépendance, d’autonomie et de moments de solitude. J’avais pas mal d’attentes parce que j’ai été élevée dans une société où l’on attend du travail qu’il structure notre vie et lui donne un sens. Cette société dévalorise le travail non rémunéré et calcule la valeur d’un individu en fonction de son emploi. On nous a rentré dans la tête que celui-ci doit nous rendre heureux, nous permettre de nous épanouir et, surtout, qu’il nous est indispensable. Vraiment?

Ces derniers temps, je pense plutôt au travail en lui même. Au temps immense qu’on y passe, à l’énergie qu’on y dédie. Je pense à tous ces gens dans mon entourage qui s’y sentent malheureux, emprisonnés, mais en même temps qui frissonnent d’angoisse à l’idée de ne pas travailler («Qu’est-ce que je ferais alors de tout mon temps?», me disent-ils l’air véritablement stressé par cette question). Je mesure toute l’aliénation du système capitaliste dans les gros yeux qu’on me fait quand je dis que moi, ben je n’aime pas vraiment ça le travail…

Je ne dis pas que tout le monde devrait quitter son emploi. Je sais que ce bouleversement du monde n’est pas pour demain et qu’avant de se libérer du travail, il faudra se libérer de la surconsommation. Mais il me semble qu’il est impératif et urgent de désacraliser le travail. D’apprendre à s’épanouir au-delà de ses frontières, de vivre et d’expérimenter en tant qu’humain et non pas juste en tant que travailleur. Développer nos forces et apprendre à se connaitre à l’extérieur de ce cadre me semble essentiel.

Je prêche probablement à un lectorat déjà convaincu, mais il me semble important de commencer à se demander pourquoi faire les choses plutôt que comment. Vous pouvez aimer votre travail, vous sentir utile et stimulé tout en gardant en tête que, la plupart du temps, cela demeure un moyen au service d’une logique capitaliste.

Faites l’exercice, si vous n’aviez pas «besoin» de votre paie, vous lèveriez-vous chaque matin pour faire votre job actuelle? Bien honnêtement, dans mon cas, la réponse est non. Est-ce que cela fait de moi quelqu’un de lâche ou de paresseux? Je ne pense pas, j’ai toujours mille idées en tête et pas assez de temps pour faire tous les projets qui m’intéressent, mais plus le temps passe, plus je réalise que je n’ai pas envie de faire quelque chose, et surtout pas 35 heures par semaine, qui ne me tente pas. C’est aussi simple que ça, et, oui je sais que c’est très privilégié de pouvoir même penser ainsi, j’en conviens. Ma réflexion sur le sujet n’est pas aboutie, loin de là… c’est un long processus de déconstruction. Si le sujet vous intéresse aussi, James Livington, professeur américain a écrit un très bon article à ce sujet qui s’inscrit dans le contexte américain, mais qui nourrira sans doute votre réflexion.