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N’oublie pas le plaisir

Sois honnête, quelle place y a-t-il pour le plaisir dans ta vie présentement?

Si je pose la question, ce n’est pas tout bonnement, c’est qu’il y eu un moment dans ma vie où il y avait bien peu de place pour le plaisir. Et quand je m’en suis rendu compte, c’est là que j’ai compris que quelque chose devait changer. 

Cette année-là, j’étais de retour d’un congé parental, mon plus vieux, lui, entrait à la maternelle. J’ai alors repris, comme prévu, mon poste dans une organisation qui avait amorcé de grands changements, et où plusieurs chantiers m’attendaient.

Déterminée à « donner sens » au temps que je passerais loin de ma progéniture, encore déchirée à l’idée de laisser mon bébé et ma tranquillité derrière moi, pas encore habituée à la nouvelle routine scolaire (mon enfant non plus), j’ai plongé tête première : j’ai dû me déplacer à l’extérieur de la ville pour rencontrer l’équipe et des clients et j’ai entamé plusieurs projets de front, malgré les nuits plus courtes et encore interrompues par un bébé qui voulait rattraper le temps perdu auprès de sa maman au lieu de dormir.

En parallèle, je réfléchissais à qui j’étais maintenant et à ce que j’avais vraiment envie de faire de ma vie, de ma carrière (allô, matrescence). C’est que les changements organisationnels me bousculaient moi aussi et m’éloignaient malgré moi de mes valeurs. 

Dès que j’avais un moment de transition – dans l’autobus par exemple, je pensais à tout ce que je POURRAIS et VOUDRAIS faire (comme si je n’en avais pas déjà plein les bras et le cerveau). J’écoutais des podcasts, je lisais des articles, je faisais du journaling… ou encore je pensais à ma liste d’épicerie.

Quand j’avais un moment de calme et de satisfaction, je le prenais en photo.
Je le partageais sur les réseaux comme si je venais de trouver une pépite d’or.
Juste le savourer, ce n’était comme pas assez.

Mon cerveau n’était jamais, jamais, jamais à off, mais je ne m’en apercevais pas.

Chaque jour, je me levais pour la routine, je me préparais, préparais mes petits qui résistaient souvent, je courais au travail, sautais de réunion en réunion, prenais des notes, pensais à des stratégies, puis je revenais pour reprendre la routine du soir et du dodo avant de m’installer dans mon lit, de scroller, scroller à l’infini et de penser à tous les articles, livres, contenus, projets professionnels que je pourrais moi-même initier dans le but de construire mon prochain chapitre – plus près de mes enfants et de mes valeurs profondes. Ouf!

De l’extérieur, tout avait l’air au beau fixe : j’étais avec mes enfants, j’étais avec mon chum – super coéquipier, je voyais mes amis, je faisais du bénévolat (de surcroît!), mais il y avait en moi une compulsion, une quête urgente, d’en finir pour mieux fuir. Et à défaut d’endroit sûr pour pouvoir fuir réellement, je fuyais dans mes pensées ou dans mon téléphone.

Même la fin de semaine, à travers les activités en famille, l’entretien ménager, les courses et la planification des repas, je me sentais dans l’entre deux, dans l’attente, dans l’impatience que quelque chose bouge. Alors je réfléchissais toujours un peu, sans m’en rendre compte, à comment supporter mon enfant dans sa transition à l’école, à mon désaccord avec certaines pratiques éducatives dans sa classe, aux enjeux à régler au bureau (ce n’était pas mon entreprise!), à ce qu’il faudrait dire ou faire pour arriver là où je voulais arriver.

Après un an de ce régime, mes réflexes de rumination mentale m’avaient épuisée.
Au retour du temps des Fêtes, je ne me sentais pas réénergisée.

Pire, sentant que je ne me rapprochais pas nécessairement de l’expérience que je souhaitais vivre, et sentant l’urgence de plus en plus pressante, j’ai commencé à sentir les larmes monter de plus en plus facilement, de plus en plus souvent. 

Mon système nerveux était épuisé, au bout du rouleau.
Mes stratégies d’adaptation ne fonctionnaient pas, je ne m’adaptais plus.

Un midi, alors que je dînais avec Marie-Andrée pour parler de notre projet encore embryonnaire et sans réel échéancier, elle me parlait de ses plans pour le week-end. Un plan l’fun, léger! C’est alors que ça m’a frappée et je me suis demandé : « mais quand trouve-t-elle le temps de planifier des activités l’fun? Comment arrive-t-elle à décrocher? » 

Je faisais pourtant des sorties, je voyais des amis, mais quand avais-je ressenti plaisir, légèreté et réelle présence, vraiment, pour la dernière fois?

Ce jour-là, j’ai fondu en larmes dans le bureau de la directrice générale et j’ai quitté pour un arrêt de 2, puis 7 semaines. J’ai ensuite tenté de revenir, mais le cœur n’y était plus et je savais au fond de moi que le nouveau chapitre « plus aligné » venait d’enfin commencer.

Malgré toute l’incertitude, j’ai ressenti beaucoup de paix.
De l’espace s’est créé.
Le sentiment d’urgence s’est dissipé.
Mon cerveau a ralenti et s’est reposé pendant mon arrêt.
Mon système nerveux s’est apaisé.
Ça a pris du temps, quand même, mais après ces quelques semaines, j’étais à nouveau dans le moment présent.

Je ne vous raconterai pas de faussetés, tout n’a pas été magique par la suite, mais j’étais disponible et présente aux aléas du quotidien, sans trop me projeter, sans ruminer, et c’est tout ce qui comptait. 

Puis, au tournant de l’année, je me souviens d’avoir eu beaucoup de plaisir lors d’une simple soirée entre amis, j’étais légère, je dansais et ça, ça m’a fait un grand grand bien de le réaliser. 

Depuis ce jour, je considère la capacité à avoir du plaisir un indicateur de santé mentale et d’équilibre – du moins dans mon cas

Est-ce le contexte qui m’a plongée dans une surcharge, puis une détresse et qui m’a fait oublier le plaisir?

Ou est-ce que j’ai trop peu gardé d’espace pour le moment présent et le plaisir à travers ma quête de satisfaction et d’alignement?

Une chose est certaine, dans la vie moderne et dans certaines saisons de la vie, il n’est pas rare que les couches s’ajoutent jusqu’à trop plein sans qu’on s’en rende compte. 

Le premier pas est donc de prendre un pas de recul – oui pour prendre soin de soi et s’apaiser. Mais aussi pour s’amuser simplement, se faire plaisir, non dans la fuite, mais dans la pleine présence de notre expérience du moment.

Ce que j’ai appris à travers tout ça, c’est que c’est aussi ça, la liberté.