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Un fleuve

Je suis un fleuve pas très tranquille. 

J’exerce un emploi satisfaisant au sein d’un organisme dont les valeurs correspondent aux miennes et où je jouis d’une grande flexibilité et d’une super relation avec ma supérieure.  Je ne hais pas les lundis et je n’ai pas l’impression de sortir de prison quand le weekend arrive, ce qui m’est déjà arrivé. Mais quelque chose me titille. Une petite voix intérieure qui me chuchote quand dans un futur pas si lointain, j’en aurai fait le tour. Et si l’idée des pantoufles confortables peut sembler séduisante pour certains, l’idée de m’y retrouver avant même d’avoir 30 ans me fait horreur. 

C’est donc dans cet état d’esprit que j’étais quand la vie (en fait mon ami Alex, merci Alex!) a mis sur mon chemin Martine. Martine c’était ma conseillère en orientation. Martine c’est aussi le nom avec lequel j’ai soulé mes amis cet automne tellement la démarche entreprise avec elle m’euphorisait. Martine c’est surtout celle qui m’a faite déculpabiliser de prendre plein de chemins que je croyais décousus. 

Réapprendre à remettre en question le pourquoi 

J’ai 26 ans, un bac, un CV bien rempli, beaucoup d’idéaux et une idée pas encore trop faite de où est-ce que je m’en vais avec tout ça. Avec Martine, on est parti de la base. Elle m’a demandé d’explorer mes rêves, mes aspirations, de noter trois projets que j’aimerais réussir, au niveau professionnel ou personnel, d’ici 10 ans. Elle a voulu que je liste mes compétences, mes forces et mes ressources et que j’établisse un filtre, donc une liste de critères stricts, que  ma carrière de rêve devait absolument remplir. Ça m’a fait un bien fou, tellement que j’ai même trouvé ça un peu niaiseux à quel point ça m’a fait du bien. De revenir en moi pis de chercher un peu le pourquoi. Pourquoi est-ce que je fais ça? Pourquoi est-ce que je ferais ça?

Je ne vous resservirai pas la salade de l’accélération du temps, de la vie, de l’éphémérité des choses, des choix et du plaisir qui en découle et du grand vide qui résonne parfois en nous face à cet étourdissant manège. Mais je vous dirai que depuis que je suis petite, on m’a surtout appris à me demander comment. 

Comment réussir tel défi? Comment devenir une meilleure version de moi-même? Comment me tailler une place dans un milieu compétitif, hostile et saturé de diplômés brillants? C’est certain que cette vision du monde, cet élan combattif, m’a probablement permis de relever, sans trop perdre de plumes, plusieurs obstacles. Il a fait de moi une jeune femme confiante en ses capacités, optimiste et fonceuse. Mais tout ce cran qu’on m’a inculqué et qu’on m’a aidée à développer n’est pas très utile quand vient le moment de trouver un sens à sa vie…professionnelle. 

Les moyens ne sont que des moyens et il existe plusieurs fins

Oui je sais, je dévie allègrement de la philosophie politique de Machiavel et utilise son idée première pour servir un propos tout à fait autre. Mais il me semble que cette phrase résume assez justement le processus ou encore la conclusion à laquelle je suis arrivée à la suite de mes rencontres avec Martine. Si nos choix professionnels ne sont pas guidés par une espèce de mantra, la réponse du pourquoi finalement, nos moyens (nos différents emplois) pour atteindre cette fin (cet EMPLOI DE RÊVE) ne sont-ils pas vains? Et si mon emploi de rêve l’était seulement pour les 2-3 prochaines années? Et si j’avais complètement envie de me réinventer ensuite, de bifurquer et de changer de voie? Arrêtons de vouloir suivre un chemin linéaire et marcher droit, que dis-je courir!, pour se déplacer plus vite vers l’avant. 

Soyez fiers d’être des fleuves aux embranchements multiples, nourris de sources diverses, parfois puissants comme un torrent et d’autres jours calmes comme un lac un jour sans vent. C’est de Martine ça aussi. Elle a la métaphore poétique à ses heures, Martine.