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Ne pas savoir

J’écris cet éditorial alors que l’année n’est pas encore terminée. Nous sommes en pleine grève des services publics, grève qui touche directement mon conjoint – enseignant au secondaire, affilié à la FAE.

Au premier janvier de l’an dernier, jamais je n’aurais prédit cette fin d’année. 

 

Notre rapport à l’incertitude

 

Vous lisez ces lignes et – j’imagine, je souhaite, je suppose, je ne peux croire que ce ne serait pas le cas – le conflit est probablement réglé. Peut-être pas la situation des risques psychosociaux au travail pour les enseignants et le personnel de soutien scolaire et personnel de la santé. Mais ça, c’est un autre sujet!.

Bref, au moment d’écrire ces lignes, je ne sais pas. 

Et, par précaution, notre budget est prêt pour une éventuelle continuité de la grève après Noël. Au-delà de ça, je suis plutôt calme. Ma réponse de stress initiale a baissée dès que je me suis rendue compte que nos bases étaient couvertes et que des solutions ont été identifiées pour un plan A et B la nouvelle année venue. A : l’école reprend, B : la grève perdure. 

 

Notre rapport à la vulnérabilité

 

Vous qui lisez ces lignes, vous vous dites peut-être : « ouf, je ne sais pas comment j’y arriverais » ou « Fiou, je suis soulagé.e que ça ne me touche pas. » Personne n’aime l’incertitude et encore moins le sentiment de reculer, de perdre au change ou d’être vulnérable (scoop : nous le sommes tous).

Ou peut-être que, comme moi, une grève, une baisse d’achalandage, la maladie ou un licenciement vous est tombé dessus en 2023, et bien que vous ne l’aviez pas prévu, vous arrivez tant bien que mal à faire mieux avec moins et à rebondir, parfois en y laissant plus au change que vous auriez voulu. Parfois avec une tristesse et un découragement difficiles à balayer à grand coup d’optimisme. 

Peut-être aussi que c’est simplement la hausse des taux d’intérêts et l’inflation qui vous poussent à être plus stressés, mais aussi plus stratégiques ou à faire de petits deuils ces jours-ci.

Nommons les choses, n’est-ce pas!?

 

Repenser notre définition du succès

 

Il y a dans notre société de performance cette tendance à cette vision tordue de la personne ou de l’entreprise qui réussit tout, qui transcende tout avec force et positivisme, qui ne s’arrête jamais, ne saute jamais un entraînement, n’annule jamais une rencontre, ne perd jamais le contrôle de ses émotions, de son agenda, de son budget, de sa planification de soupers. 

La vérité c’est que c’est ok – voire incontournable – de laisser certaines balles tomber par terre pour mieux attraper les balles importantes, ainsi que pour durer dans le temps. Les personnes hyper-performantes ont parfois des périodes parfaites, mais si on regarde à long terme, elles ont aussi des périodes plus sombres où elles arrêtent complètement de jongler. Personne n’est au-dessus de son humanité.D’ailleurs, n’est-ce pas ironique qu’on parle d’humanité à n’en plus finir, mais que notre définition du succès ressemble encore plus à celle d’une machine bien huilée?

La tendance est forte, en ce début d’année : on va tous penser à comment notre machine pourrait être mieux huilée et se fixer des résolutions en conséquence. Illusion de contrôle, quand tu nous tiens!

 

Nouvelle année, meilleure année? 

 

Une chose est certaine, en ce début d’année, nous sommes probablement mûrs pour du beau, du bon et du lumineux. C’est naturel.

Mais l’histoire de l’année dernière nous rappelle qu’au moment d’entamer une nouvelle année, il y a toujours une partie de l’histoire qu’on ne connaît pas. 

On a beau se fixer tous les objectifs ambitieux et positifs du monde, serons-nous assez solides pour parer aux imprévus sans perdre pied – financièrement, psychologiquement? 

Aurons-nous le temps, seulement?

De vivre ce que nous aurons à vivre. De réfléchir à ce que nous aurons à réfléchir?

Est-ce qu’une approche qui prend en compte le pire (aussi peu sexy soit-elle) pourrait nous permettre de nous sortir individuellement et collectivement des crises qui nous assaillent, même de la crise climatique? Parce qu’on dirait que de toujours penser que le meilleur est à venir nous berce de fausses illusions. Mais voilà encore un autre sujet!

 

S’orienter avec sérénité, quand on ne sait pas :

 

Comment on s’oriente alors, quand on ne peut savoir avec certitude ce qui nous attend?

Quand on ne sait vraiment pas ce qui nous attend et que notre niveau d’optimisme a diminué pour laisser place à la prudence parfois paralysante?

Quand, quoi qu’on fasse, on en traîne encore et toujours beaucoup trop. Trop à faire, trop à perdre.

Mon attitude dans le contexte actuel, est de garder en tête deux éléments et de les revisiter souvent : 

  • De quoi avons-nous besoin?
  • De quoi avons-nous envie?

 

Avec ces deux « priorités », on peut alors être à l’affût des opportunités ou encore contribuer à les créer, à tester des approches, à rassembler les ressources pour nous aider, mais aussi à renoncer.

Je sais que c’est plus l’fun de se demander uniquement de quoi on a envie, faire des listes d’idées de voyages, de rénos, d’achats, de promotions, d’augmentation de salaire, d’implications, de projets,etc.

Mais c’est faire l’exercice à l’envers, ou c’est prendre pour acquis que nos besoins seront comblés comme par magie. Je peux vous le dire, la vraie richesse est d’avoir tous nos besoins comblés. Même quand le salaire est amputé.

Sans vous faire une leçon de finances personnelles, je souhaite surtout vous faire l’éloge de la saine performance et de la stabilité versus la croissance infinie de nos organisations, de nos styles de vie et de nos charges (de travail, mentale, financière, émotionnelle).

En ce début d’année, je crois que nous sommes collectivement mûrs pour une nouvelle définition du succès et pour du temps blanc systématique, ne serait-ce que pour avoir le temps d’être là l’un pour l’autre en situation d’incertitude ou pas.

Souvenez-vous que ce n’est pas les émotions négatives qui causent la détresse, mais bien d’être seuls avec ses émotions négatives. Nos relations sociales nous permettent-elles d’évacuer nos émotions négatives ou celles-ci reposent-elles aussi dans le more is more et l’apparence de la machine bien huilée?

En ce début d’année, au lieu de viser une augmentation de tout, je vous souhaite de l’espace et du temps.

Pour identifier ce qui est essentiel à votre satisfaction, ce qui serait l’fun à vivre et ce qui est nécessaire à l’augmentation d’une seule chose : votre sentiment de satisfaction, de joie et de sérénité.

Et ça, à mes oreilles, ça sonne lumineux à souhait!

De tout cœur, je vous souhaite une bonne et heureuse année.

Au plaisir de vous croiser en personne ou de vous accompagner dans votre cheminement vers davantage de temps blanc, de satisfaction travail-famille-vie personnelle, de sens au travail et de saine performance.

 

Julie

 

 

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