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Rencontres

Qui l’aurait cru? Depuis quatre mois en France, en quête d’identité, je découvre une culture qui fait partie de mes origines. Un beau matin, mon beau-frère me propose à l’improviste d’embarquer sur une moto vers Paris. 2h plus tard, me v’là à la capitale. Wow, je me retrouve comme une aiguille dans une botte de foin. C’est beau Paris, mais c’est grand… Et moi qui me perds facilement. Paris a été conçue comme le cerveau : en arborescence. Il y a de petites ramifications partout!

 

Bref, au détour d’une rue, vous ne devinerez jamais sur qui je tombe. Deux Québécoises, originaires de Mascouche. Oui, oui, je vous l’assure, le monde est petit. Comment, parmi 2.44 millions de personnes à l’autre bout du monde, était-ce seulement possible? J’étais perdue dans le XIe arrondissement et c’est en voulant demander mon chemin que je les ai repérées, en l’espace de quelques secondes… Était-ce les cheveux bleus, leur allure de baroudeuses, ou encore leur gestuelle familière? Les Québécois doivent se reconnaître au pif, comme si ça allait de soi.

 

Les autres passants semblaient me toiser, l’air blasé, comme la plupart des piétons des grandes villes, submergés par le flot continu d’information et d’action. Mais bon, toujours est-il que je leur ai lâché un : «Vous êtes Québécoises, pas vrai?! «Qu’est-ce que vous faites là!?» et là nous sommes entrées dans une bulle spatiotemporelle communicationnelle. Nous avons donc partagé nos aventures autour d’une crêpe au beurre bien cochonne et d’une bonne bouteille de cidre.  De mon côté, je leur ai expliqué d’où je venais, pourquoi j’étais là et à leur tour, elles m’ont parlé de leur voyage et de leurs rencontres.  Elles étaient en road trip  à travers l’Europe, le rêve quoi! Elles avaient déjà parcouru le Danemark, l’Allemagne, la Belgique, et j’en passe.

 

L’une d’elles voyageait pour la première fois et était plutôt nerveuse. Elle disait avoir du mal à sortir des sentiers battus et on dirait qu’elle avait vraiment dépassé ses craintes avant de partir. Je l’ai félicitée de son saut dans le vide, pour avoir dit oui! Malgré ses peurs et ses doutes. Car c’est ça qui compte en fait, dépasser ses doutes et passer à l’action. J’en sais quelque chose. C’est là que l’on commence à percer certains mystères, à commencer par le nôtre. Comme « Qui suis-je vraiment? » ou « Qu’est-ce que le monde ?» Seul, c’est bien, accompagné d’un ami, c’est encore mieux.

 

C’est fou comme on peut se sentir chez soi n’importe où quand on est bien. L’une des deux jeunes femmes se sentait, disait-elle, citoyenne du monde, c’est-à-dire que partout où elle allait, elle pouvait se sentir appartenir à la Terre. Très proche de la nature depuis son enfance, ses parents l’emmenaient dans le bois en vacances. Pendant les semaines de la construction, alors que ses amis partaient en Floride, elle disparaissait dans le bois pour faire du camping sauvage et quand je dis sauvage, c’est sans papier de toilette ni eau chaude, m’sieurs dames!

 

Elle disait avoir hérité d’une philosophie amérindienne transmise par sa mère. Ses amis ne la croyaient pas quand elle racontait ça, c’était trop. «Pas de papier de toilette! Tu te laves dans le lac?» Toujours est-il que c’est à travers ces séjours dans la forêt qu’elle avait appris à se connecter à ses sens et à la nature qui aujourd’hui, faisaient partie de son identité et de son mode de vie. Ça m’a rappelé une conversation que j’avais eue avec une femme autochtone, qui m’avait demandé de m’imaginer que la ville était une forêt, pour que je comprenne que tout est interrelié et vivant. Bon, bon… vous me direz que les grosses tours de béton n’ont rien de bien vivant que ça ne ressemble pas vraiment à des arbres, même quand on fait un effort d’imagination. En fait, je pense que ce qu’elle a voulu dire c’est «éveille tes sens et porte attention à ce qui t’entoure, garde un esprit réceptif et sois à l’affût des signaux de ton environnement». Avec ce conseil en tête, je me sens moi aussi, citoyenne de la Terre, même en ville. Fin de la parenthèse.

 

Notre conversation sur l’expérience du voyage a ensuite pris un virage vers la mondialisation, un de mes sujets préférés, parce que c’est aussi un peu la mondialisation, le multiculturel, qui permet de se sentir chez soi un peu partout… La mondialisation a ceci de particulier qu’elle accélère le métissage et les échanges culturels. Aujourd’hui, les gens ont des référents culturels communs, même s’ils ne parlent pas la même langue, la même origine géographique et n’ont pas le même bagage culturel.

 

À peu près partout, on rencontre des McDonald, les tubes de Madonna et tout le monde veut ou doit parler anglais. Cela fait en sorte que parfois, on a l’impression que le monde est petit, car on y a accès en quelques clics, ou en voyageant. Mais cela nous montre aussi à quel point il est profond et riche et que l’on peut être dans un esprit de découverte peu importe où nous sommes.

 

La grandeur appelle l’essentiel en chacun de nous, ce qui pousse certains, comme mon interlocutrice aux origines amérindiennes, à adopter un mode de vie plus simple, conscients de leur impact sur les autres et sur la planète.

 

C’est un peu ce que à quoi elle faisait allusion en me disant que l’expérience du voyage lui permettait de vivre l’instant présent. «Ce n’est pas la seule façon de le faire, d’autres y arrivent sans voyager, mais c’est pour moi un art de vivre et un état d’esprit», a-t-elle expliqué, comme pour s’excuser de consommer des voyages. Selon moi, elle voulait dire que rien ne vaut une vie vécue plutôt que consommée.

 

Cette rencontre a ponctué mon voyage d’un petit clin d’œil au Québec. Ça m’a permis de revoir mes motivations, les raisons de mon départ et la route qu’il me restait à parcourir. « Il n’y a point de chemin vers le bonheur. Le bonheur, c’est le chemin », a dit Lao Tseu. 

 

Les gens que l’on croise sur notre chemin sont des occasions de partager ce bonheur et de réaliser que peu importe le chemin qu’on emprunte, c’est le nôtre que l’on trace et que c’est cela, le bonheur.