fbpx

Se rebeller contre l’attention fragmentée

On m’a dit quelques fois dans ma vie que j’étais « un peu » rebelle. Gentiment quand même. Et ça m’a toujours fait sourire parce que j’ai aussi toujours été « une enfant sage », posée, bonne élève. Alors qui dit vrai? 

J’ai un jour fait un pop quiz qui s’intitulait : quel genre de rebel êtes-vous? Mon résultat, de mémoire, disait : vous vous rebellez contre ce qui vient à l’encontre de votre nature profonde.

Ah ben, pas si faux finalement. 

Après tout, il est vrai que je n’ai jamais hésité à nommer les incohérences que j’ai toujours ressenties viscéralement (oui même devant le comité de direction quand j’étais une simple employée junior) et à proposer de nouvelles façons de faire. J’en ai même fait mon métier. 

 

Rebelle de la culture du travail

 

S’il y a quelque chose qui m’a amenée à me « rebeller » depuis le début de ma carrière (selon la définition ci-dessus, très soft et n’incluant aucun désordre social. À me rebeller stratégiquement, quoi!), c’est bien la culture du travail! Je me suis adaptée maintes fois – dans la créativité, et j’ai aussi initié plusieurs projets d’innovation en lien avec la culture du travail.

Parmi ceux-ci : De Saison! À l’époque de sa création en 2019, mère de deux enfants en bas âge, je me souviens que je n’arrivais plus à être bien avec le trop plein. Je rêvais de nature, de concentration, de liberté créative, de flexibilité d’horaire, d’un environnement de travail apaisant et d’investir du temps là où ça comptait vraiment. Je me répétais constamment : je travaillerais tellement mieux! Je pourrais donner le meilleur de moi-même! 

Je voyais l’arrangement dans ma tête. J’en ai parlé, mais on me regardait plus souvent qu’autrement comme une extraterrestre ou pire, avec pitié : oui mais le monde du travail ça ne fonctionne pas ainsi! 

J’ai donc fini par créer exactement ces conditions, pour nous, dans De Saison : du temps blanc, du temps de travail profond, du temps en nature. Un aménagement du travail et un modèle d’affaires pensé pour la conciliation et l’équilibre. Pour absorber les fluctuations d’énergie et permettre la gestion des émotions (les nôtres ou celles de notre progéniture). Un bureau calme avec des fenêtres qui s’ouvrent.

Je me disais : voilà, je travaille maintenant en adéquation avec ma nature. Et j’ai entrepris de partager notre modèle avec ceux qui, comme nous, avaient soif de rétablir l’équilibre. Comme une piste de réflexion pour arrimer leur aménagement du travail avec leur propre nature et leurs besoins en cette saison de leur vie.. à l’intérieur du cadre du travail qui leur était imposé ou en poussant un peu pour ce cadre pour le faire évoluer. Il y avait déjà bien de la littérature qui proposait une approche en ce sens, bien sûr.

 

Atypique ou juste humaine?

 

Fast forward 5 ans plus tard : comme plusieurs, j’ai lu ces dernières semaines le plus récent livre de Sonia Lupien : Le stress au travail vs le stress du travail. 

Et c’est avec une certaine incrédulité que j’ai réalisé À QUEL POINT que ce que mon intuition m’avait amenée à faire (lancer ma propre entreprise courageusement et non sans défi, nuançons-le) et à créer (le modèle temps blanc) ce n’était pas un caprice ni une simple stratégie tirée de mon analyse de la situation pour suivre ma nature « atypique », non. Noir sur blanc, de façon très limpide, l’auteure a mis de l’avant que toutes ces stratégies étaient en fait mon cerveau qui me guidait à suivre ma nature « humaine » – humaine comme dans la nature de tous les humains. Un processus biologique plutôt qu’intellectuel ou stratégique.

De ne pas être spéciale me rassure un peu je l’avoue. Je préfère de loin appartenir avec un grand A à l’espèce qui est la mienne : l’humanité. 

Mais je n’en reviens juste pas. Je m’étonne encore et encore : 

  • Pourquoi suivre le bon fonctionnement de mon cerveau est-il marginal, actuellement, dans la société?
  • Comment est-ce possible qu’autant de personnes réussissent à ignorer l’appel de leur cerveau et de leur nature humaine en continuant tête baissée dans le « monde de l’emploi » tel qui est aménagé présentement?
  • Comment autant de gens en sont-ils arrivés à être déconnectés à ce point de leur nature humaine?
  • Comment autant de gens réussissent à fonctionner avec une attention hautement fragmentée, un emploi axé sur les courriels, les appels, les réunions, les interruptions et un stress exacerbé sans espace pour le gérer?


La réponse, je le sais bien et on le comprend bien dans le livre, est qu’on fonctionne de moins en moins. Notre productivité en souffre. Mais surtout, on souffre de plus en plus mentalement. Biologiquement.

 

Stratégie ou biologie?

 

En toute honnêteté, à la lecture de ce livre, le voile de culpabilité qui restait en moi face au style et au rythme de travail que j’affectionne et que je promouvoie s’est envolé. 

J’étais déjà convaincue que nous devions collectivement prendre mieux soin de nous dans le contexte du travail et de la conciliation travail-famille, je savais que nous devions revoir nos modèles d’affaires pour qu’ils soient plus durables pour la planète, pour la santé durable. Je savais que le modèle temps blanc venait aussi aider à prévenir certains risques psychosociaux au travail. J’avais tout un dossier de revue de la littérature en ce sens.

Mais je sais maintenant, à la lecture de ce livre, que nous avons la bonne cible : l’aménagement du travail et nos réflexes, permissions et balises au quotidien. Et j’ai aussi la source de ce raisonnement : le fonctionnement du cerveau humain.

Ce livre me gonfle à bloc et me donne envie d’assumer ma rébellion bienveillante encore plus. Et ça, ça veut dire concrètement pour moi de tenir à certains principes sur lesquels je pile parfois pour « ne pas avoir l’air » moins travaillante. Ou pour « ne pas avoir l’air » inflexible. Ou encore « parce que tout le monde sait, voyons, que toutes les entreprises du monde calculent leur productivité en heures travaillées ». 

Mon intuition me dicte que je peux mieux travailler en suivant un autre modèle.
Et la science me le prouve noir sur blanc dans ce bouquin en exposant un argumentaire solides et des conseils qui vont exactement dans le sens de ceux que nous prodiguons déjà.

Comme quoi notre intuition et notre cerveau nous guident réellement dans la bonne direction.

 

L’ennemi à abattre : la trop grande fragmentation de notre attention.

 

En gros, ce que le livre explique, c’est que notre surcharge mentale (le risque psychosocial au travail le plus nommé dans nos sondages) est causée par la fragmentation de notre attention qui augmente notre stress et qui l’amène à un niveau où notre performance diminue et notre cerveau souffre, ce qui peut mener à une blessure de stress et, lorsqu’ignorée à une dépression.

L’élément nouveau du casse-tête ici, c’est à quel point la fragmentation de l’attention est au cœur de nos enjeux collectifs de santé mentale.

Avant cette lecture, je parlais fréquemment d’hyperconnectivité et de sentiment de surcharge mentale. De charge de travail, de charge émotionnelle.

Ce que ce livre explique, c’est comment cette surcharge est induite AUSSI et AVANT TOUT par notre FAÇON de travailler plutôt que simplement par la QUANTITÉ de travail.

Elle explique aussi pourquoi le télétravail n’a pas suffit à nous offrir le repos cognitif dont nous rêvions et elle a bien raison. Le réaménagement que nous avons à faire va au-delà du lieu de travail, il va au-delà de notre façon individuelle de travailler. Il touche à notre façon de collaborer et de communiquer entre nous au travail. Essentiellement.

 

Je vous donne envie de devenir rebelle?

 

En vrac, voici donc certaines pratiques que j’ai adoptées et qui pourraient vous aider à vous rebeller à votre tour : 

 

  • Priorisez la qualité de votre travail plutôt que la quantité.

Je me suis toujours battue pour m’assurer que mon travail crée de la valeur – pour l’organisation qui m’employait comme pour mes clients. Je n’ai jamais hésité à protéger mon temps de travail pour m’assurer que je ne serais pas seulement en mode exécution, mais que j’aurais du temps pour de la recherche, de la réflexion et pour bien formuler mes idées. C’est toujours ce sentiment de création de valeur qui a été à la base de ma satisfaction au travail et du sentiment du devoir accompli. Rarement l’idée de cocher des items sur une to-do list. 

 

  • Coupez vos notifications.

Je suis comme vous, je me CRÉE moi-même de nombreuses interruptions en visitant sites webs et médias sociaux pendant la journée. Je n’ai donc pas besoin d’en plus être interrompu par tout ce qui entre. Depuis plusieurs années je n’ai pas de notifications ni sur mes courriels, ni sur les sites de nouvelles, ni sur mes médias sociaux (sauf texto et messenger, mais j’avoue que je pourrais gagner en attention en coupant les notifications sur ce dernier). Je les consulte quand JE le décide et que c’est opportun.

 

  • Soyez au service de vos priorités. 

Il y a beaucoup à faire et le temps est limité. C’est un fait. Il faut donc connaître ses priorités. Comme je le mentionne au premier point, ma priorité au travail est ma contribution, mon impact. Je suis donc au service de cette contribution stratégique et non au service de tout et tout le monde. Je réponds à mes messages, j’accepte les demandes de réunions et les demandes de collaboration, mais je m’assure que mon temps de contribution est protégé.

Par ailleurs, j’ai aussi des priorités personnelles comme ma santé mentale et physique ainsi que ma famille. Le sentiment d’urgence au travail nous amène parfois à repousser ces priorités plus personnelles à la fin de la journée. Pour ma part, je m’assure de commencer avec celles-ci. 

Ma santé physique et mentale contribue à la qualité de ma présence comme mère et c’est lorsque j’ai été là pour mes enfants et que mon « stress » / mes préoccupations familiales ont été gérées que je me sens disponible au travail. Pour moi tout ça est une séquence logique. C’est donc ainsi que j’organise mes journées. Mon travail est important, mais il n’est pas PLUS important. Je sais à quel point c’est difficile de l’incarner, mais avec la pratique (et des horaires flexibles) j’y suis arrivée.

 

  • Acceptez les fluctuations.

Je suis une personne sensible. Sensible au stress aussi. Comme je vous le racontais au début de ce billet, mon radar est très perspicace. Mon intuition m’envoie un message dès qu’un besoin n’est pas comblé, dès que je perçois une menace autour de moi – le plus souvent subjective – j’ai cette perception facile. Et je vous confirme que c’est de famille parce que mon chum et mes enfants sont pareils! 

J’ai donc besoin de temps et d’espace pour décortiquer mes émotions et m’ajuster. C’est encore tellement tabou dans notre société cette idée de gestion de la charge émotionnelle. On prévoit littéralement ZÉRO temps pour ça. On s’attend à ce que tout fonctionne tel que décrit sur le plan, aucun délai, aucun retard, aucun imprévu et surtout AUCUN IMPRÉVU ÉMOTIONNEL. 

Pour ma part, je passe beaucoup de temps en gestion émotionnelle. Je marche, je fais du journaling, je médite, je déconstruis et reconstruis mon CINÉ (merci Sonia Lupien pour le modèle encore plus efficace). Et de surcroît, j’accompagne mes enfants dans leur gestion émotionnelle. En voilà un travail invisible! Et hautement stratégique. En effet, je suis convaincue que c’est ce qui m’a permis de m’adapter de façon harmonieuse tout au long de ma vie. Je sais aussi que bien que je sois sensible, je suis loin d’être une extraterrestre. Au contraire, tout ça est très très très HUMAIN.

En 2024, on commence à normaliser les rendez-vous chez le ou la psychologue pour une meilleure gestion de son monde intérieur. Mais on évacue totalement le fait qu’on a aussi un travail à faire de notre côté, seul.es avec nous-mêmes. 

Or, quand on a un agenda trop rempli, quel temps reste-t-il pour ça? Aucun.

On rumine alors à la place, ce qui est contre productif et nous garde dans un état de stress. 

 

  • Pratiquez la pleine conscience de votre humanité

Enfin, être un.e rebelle de l’attention fragmentée signifie pour moi être conscient.s de notre humanité et de l’embrasser pleinement. Revenez ici et maintenant le plus souvent possible. Tête et corps au même endroit. 

Ce simple petit mantra est une bonne façon de nous souvenir que notre cerveau n’est pas une machine ultra puissante à pousser plus loin, mais un organe qui surchauffe déjà, qu’on ne peut remplacer et dont on doit prendre soin.

 

  • Fermez quelques onglets et surtout, invitez vos collègues à faire de même.

Vous doutez de leur ouverture, ou même qu’ils prendront le temps de lire le livre de Sonia Lupien? Vous redoutez qu’ils vous diront (comme la majorité des gestionnaires) que ça ne s’applique pas à eux et à leur travail? Vous voyez ça gros, ce changement de culture?

Je vous rassure, on a ces cinq dernières années vu de belles transformations et prises de conscience se dérouler sous nos yeux avec un concept aussi simple et pratique que celui du Temps Blanc. 

Vous voulez initier votre équipe à ces connaissances et à des modèles concrets pour travailler mieux? Faites-nous signe, on a plus d’un tour dans notre sac pour encourager une évolution bienveillante et sainement performante de la culture du travail. 

 

Bonne rébellion!