
Le pouvoir de l’agentivité
Lors de nos interventions au sein des équipes, que ce soit dans un contexte de conférence, d’atelier, de formation au Modèle Temps Blanc ou de facilitation de groupes de soutien aux gestionnaires et/ou à leurs équipes, l’une des premières observations que nous faisons est la suivante : ce n’est pas tout le monde qui se donne la permission de faire preuve de leadership, ni même de leadership de soi.
D’ailleurs, ce n’est pas tout le monde qui se sent concerné par le terme « leadership ».
Même celui de « leadership de soi », pourtant plus légitime, ne résonne pas toujours.
Leadership, aimez-vous ce mot?
Pour plusieurs, leadership est un terme dur : il fait référence à une fonction d’abord, un rôle qu’on doit nous octroyer, et non un concept qu’on peut s’approprier.
Pour d’autres, le mot leadership fait référence à l’idée d’influencer volontairement, d’exercer un pouvoir sur les autres, voire de prendre la responsabilité de guider les autres. Il n’est pas associé à la collaboration, mais plus au contrôle (ou pire, en partie à la manipulation?)
C’est même parfois un terme chargé de peur, de stress et d’égo menacé : ce n’est pas qu’on redoute nécessairement nos leaders, mais on peut se demander : qui suis-je pour être leader, pour dire aux autres quoi faire, il faut être sûr de soi pour être leader.
Plusieurs s’auto-éjectent du concept, en affirmant que le leadership, ce n’est pas pour eux ou ce n’est pas « en eux » : prendre la parole devant les autres, se mettre de l’avant, décider alors qu’on pourrait se tromper, être jugés.
Comme si on associait encore, hélas, leadership avec un seul type de personnalité, les frondeurs, les extravertis, les courageux. Oserais-je dire que leadership (même leadership au féminin) est un terme encore trop masculin dans lequel même plusieurs hommes ne se reconnaissent pas?
Le leadership, est-ce pour tout le monde?
Si ce n’est pas la tasse de thé de tous d’être gestionnaire, est-ce qu’on peut réellement se passer du leadership de chacun?
Pour d’autres, comme nous, la conception du leadership ne fait plus du tout référence au modèle patriarcal du bon père de famille ou du patron tout-puissant. Non. Le leadership – et plus particulièrement le Leadership Nouvelle Vague, est pour nous l’élan d’agir et de prendre l’initiative en cohérence avec sa vision et ses valeurs. Avec son analyse d’une situation, l’identification de besoins à combler et ses idées sur comment y arriver.
Ce n’est pas s’imposer, ni (nécessairement) déranger, c’est toutefois observer, s’introspecter, questionner et s’exprimer, oui! C’est très souvent « prendre soin », mais d’une façon qui va au-delà du pansement sur le bobo, qui va à la source du problème pour éviter qu’il se présente à nouveau.
Et vous savez quoi?
Dans la culture actuelle du travail encore bien hiérarchique, bien des gestionnaires ne se sentent même pas légitimes de faire ça. Même si on leur a donné le rôle, même si le leadership d’équipe est à leur description de poste.
Dépoussiérer le concept de leadership
Nous vous proposons donc aujourd’hui un mot pour remplacer votre conception du leadership : l’agentivité.
Définition : le terme d’agentivité est un néologisme issu de la traduction de la notion anglophone d’agency. Au sens large, l’agency désigne la capacité de l’être humain à agir de façon intentionnelle sur lui-même, sur les autres et sur son environnement.
Pour nous, l’agentivité, c’est remettre les mains sur le volant et reprendre possession de notre expérience et de nos actions, les orienter vers nos besoins, ceux de nos collaborateurs et nos valeurs dans le respect des valeurs des autres, peu importe notre niveau hiérarchique.
L’agentivité, c’est ramener de la profondeur et de la cohérence dans nos choix d’actions.
C’est se demander pourquoi on fait tout ça et quel impact on souhaite réellement avoir. C’est trouver nos propres réponses et trouver le moyen réaliste de faire un pas dans la bonne direction.
C’est faire preuve de créativité pour trouver de la satisfaction dans un contexte jamais aussi idéal qu’on le souhaiterait.
Le courage d’explorer plutôt que la confiance de réussir
L’agentivité, c’est renoncer à la peur qui paralyse, à l’attente que les autres nous guident ou nous mènent quelque part.
L’agentivité, c’est faire confiance à notre intelligence, c’est oser essayer des choses et espérer trouver une voie de passage intéressante à travers quelques essais infructueux.
L’agentivité, c’est miser sur la théorie des petits pas et les gestes de micro-courage dans l’ombre bien plus que sur les grands discours sous les projecteurs.
Et bien sûr, on peut utiliser notre agentivité à plusieurs niveaux (de façon morale ou non, pour le bien commun ou de façon plus individualiste, aussi, vous comprenez qu’on vous encourage à le faire de façon responsable) : au niveau de notre santé, de notre satisfaction au travail, de notre satisfaction en famille ou dans notre vie en général, de la résolution d’enjeux dans notre communauté, quelle qu’elle soit.
On peut utiliser notre agentivité pour rassembler, comme on peut l’utiliser pour se rapprocher de ceux qui nous inspirent.
On peut évoluer avec notre agentivité, mais le plus important est qu’elle nous appartient et nous en faisons ce que nous en voulons : elle représente notre autonomie.
Oui à l’agentivité, mais non à l’autonomie?
Tous les milieux de travail vous diront qu’ils veulent des employés « engagés » et faisant donc preuve d’agentivité sur leur travail, qu’ils créent de la valeur à leur niveau. Or, la culture du travail brime de 1000 façons l’autonomie non seulement des employés, mais aussi des gestionnaires (la manque de latitude décisionnelle est d’ailleurs un des principaux risques psychosociaux au travail).
Peut-être faudrait-il donc se pencher sur ce beau paradoxe au sein de votre équipe, de votre direction ou de votre organisation.
Revisiter le concept de leadership au sein des équipes et miser sur une approche où on démocratise le fait de « choisir et orienter » ses actions en fonction de ses besoins, de sa lecture des besoins des autres, de ses valeurs et de ses motivations.
Cela ne veut pas dire de ne plus avoir de mission commune, de priorités ou de projets définis, mais plutôt de transformer les processus trop rigides en opportunités de collaboration et d’innovation.
Bien qu’on pense tout de suite à comment une telle formule pourrait glisser, on devrait peut-être réfléchir à comment un groupe rempli de personnes à l’agentivité développée viendrait s’auto-réguler et à quel point on pourrait y gagner. C’est d’ailleurs ce que le modèle de l’entreprise libérée nous démontre de façon assez spectaculaire.
Faire preuve d’agentivité en matière de prévention des risques psychosociaux au travail
La majorité des organisations travaillent présentement sur un plan de mesure et éventuellement de diminution des risques psychosociaux au travail. La question se pose, est-ce qu’on mobilisera l’agentivité des gestionnaires et des employés pour obtenir les résultats souhaités ou proposerons-nous un plan d’action et de formation traditionnel plutôt rigide qui amènera les individus à suivre une « recette gagnante » ?
Ce serait une belle ironie, puisqu’on sait qu’en augmentant le niveau d’autonomie et de soutien au travail, on diminue le sentiment de demande psychologique. D’un coup, on peut donc venir mitiger 3 des principaux risques psychosociaux au travail. C’est d’ailleurs sur ce modèle théorique que notre Modèle Temps Blanc est construit.
Un trio « réconfortant »
Si je vous parlais de soutien en janvier et de diminution de la demande psychologique en février, je vous parle aujourd’hui d’agentivité (et donc d’autonomie) comme autre ingrédient de la solution.
Une solution tout aussi utile pour naviguer le contexte sociopolitique et économique actuel que votre contexte professionnel ou organisationnel. Et si vous osiez faire un petit pas dans une direction satisfaisante? Peut-être sortirez-vous de la peur ou de la prudence qui paralyse, même sans savoir comment tout ça aura un impact sur nous.
Décloisonner le leadership et redonner l’agentivité
Je me souviens aujourd’hui d’un projet d’il y a plusieurs années, au sein duquel, dans un processus de design organisationnel, nous avions tenté de « créer des postes » plus séniors en attribuant un rôle de guide ou de meneur. Notre métaphore de l’autobus venait reléguer certains membres au rôle de passager. J’y repense et je grince des dents! Jamais je ne proposerais cela aujourd’hui.
L’agentivité, c’est se souvenir que nous pouvons tous mener notre barque.
L’agentivité rend le leadership plus participatif, permet la création d’élans et de mouvements beaucoup plus fluides et véloces.
L’agentivité prend en considération que nous avons le choix et que nous pouvons mettre en place des initiatives, nous affilier et utiliser notre regard pour pointer une direction ou encore pour créer de la valeur collective.
L’agentivité (redonne) la permission à tous de s’épanouir.
Et exercée ensemble, elle donne des ailes.
Le travail et le sentiment d’être vivant
Sans agentivité, vous vous sentez peut-être aigri, ralenti, écrasé, stressé, trappé même ou éteint. Le travail n’est pas une prison. Et pourtant, il y a tout un pan de la population pour qui ce l’est.
Ceux qui se sentent libres et vivants au travail ont un privilège que d’autres n’ont pas : l’agentivité. Imaginez toute la valeur et tout le temps de vie qui est ainsi gaspillé.
Voilà donc mon invitation aujourd’hui : développer l’agentivité au sein de vos équipes, au service de votre mission organisationnelle, au sein de vos projets.
Et voyez la vie reprendre, peu importe le contexte ambiant.
Envie de reconnecter avec ton agentivité avec nous? Ce sera le thème de notre conférence aux participants du Défi entreprises cette année, et c’est aussi la prémisse derrière notre formation au Modèle Temps Blanc et nos cercles de soutien à la pratique, en formule individuelle ou pour les équipes.