S’accorder la permission
Quelle est la différence entre une personne qui a une vie personnelle et professionnelle somme toute équilibrée et satisfaisante et celle qui s’épuise ou se surmène à grand coup de « il faut que » ou de « j’ai pas le choix »?
Les uns s’accordent une permission que les autres se refusent.
Mais quelle permission au juste?
La semaine dernière, j’ai eu l’opportunité de m’entretenir avec le réputé chroniqueur et entrepreneur David Desjardins à ce sujet. David est gestionnaire de l’agence de création de contenus qu’il a créé et pour son infolettre, il voulait qu’on discute de performance et de la culpabilité qui vient avec cette idée de « faire quelque chose de moins productif ». Il me disait entre autres avoir le sentiment de gaspiller son temps lorsqu’il fait le plein d’énergie et de ressources, que ce soit par la lecture d’articles liés à son domaine ou l’exercice, mais pas lorsqu’il crée, produit, vend, gère, communique avec son équipe ou ses clients.
Classique, n’est-ce pas?
Pourtant, en apparence, David voyage et pédale. Il semble avoir une vie équilibrée, mais la culpabilité lui vole un peu de sa satisfaction. À bien y penser, je dois avouer que moi-même – comme vous tous fort probablement – ne suis pas étrangère à ce sentiment, même s’il me gagne bien moins souvent qu’avant.
Sacro-sainte productivité
On comprend d’où ça vient. C’est que depuis toujours, il y a tant à faire sur notre liste : études, devoirs, tâches ménagères, travailler, payer des comptes, faire l’épicerie, faire du sport, livrer des projets toujours de plus en plus nombreux tout en assistant à des rencontres de plus en plus nombreuses.
Rapidement, on apprend que faire bien, mais aussi faire beaucoup et rapidement, c’est récompensé. Pas juste par les autres! Car cette récompense, c’est parfois aussi un sentiment de satisfaction personnelle sain… mais auquel on peut vite devenir accro.
Le problème, c’est qu’on prend tellement goût à produire et cocher, être productif, avoir une vie diversifiée, exceller dans notre domaine ou dans différents domaines, qu’on oublie que pour réussir à faire tout ça, il faut renflouer nos énergies de façon au moins égale.
Pour produire, ça prend des intrants.
Pour un humain, ces intrants se présentent sous forme de nourriture physique, bien sûr, mais aussi de nourriture intellectuelle, ce qui inclut le répit et le repos.
Première permission donc : celle de se nourrir physiquement et intellectuellement.
Récupérer, s’adonner à des activités qui nous remplissent intellectuellement, physiquement, émotionnellement, qui nous aèrent l’esprit et pas seulement à des activités « productives » qui nous vident de notre énergie.
Une évidence? Vous seriez surpris par le nombre de personnes qui ne se sentent pas légitimes de s’accorder un tel luxe (se nourrir) dans un contexte où, depuis toujours, on nous pousse à faire toujours plus, à coup de « nouveau défi » et de « dernier petit coup de cœur » successifs.
David l’a dit : on se sent coupable quand on n’est pas productif, mais un peu aussi quand on n’est pas en train de profiter de la vie et de tout ce qu’elle a à nous offrir. La productivité a même gagné nos loisirs!
Cette idée de faire et de produire sans se nourrir nous mène tout droit vers le burn out. C’est pourtant d’une évidence, non?
Comment réussir à s’accorder cette permission?
Souvenez-vous que c’est stratégique : pour donner le meilleur de soi au travail ou à la maison, générer de bonnes idées, soutenir un effort physique ou intellectuel, résoudre des problèmes, travailler de façon concentrée et méticuleuse et durer dans le temps, ça demande d’avoir un esprit clair et inspiré, un système nerveux calme et régulé, un corps bien reposé et bien nourri.
Une fois cette permission accordée, commencez à vous octroyer concrètement du temps blanc, en commençant par le type (il y en a 8!) dont vous avez le plus besoin!
Deuxième permission : passer d’un objectif de productivité à un objectif de création de valeur.
Une autre piste que j’ai partagée à David est de passer d’un mode productiviste à un mode de création de valeur. On peut alors se demander si l’activité qu’on est en train de choisir crée de la valeur pour nous-mêmes, pour notre famille, notre équipe, notre entreprise ou notre organisation.
Une approche globale de création de valeur permet de voir l’équilibre d’un autre œil et de s’assurer que la création de valeur dans une sphère (ex : ma santé ou mon travail) ne nuit pas à ma création de valeur dans une autre sphère (ex : ma famille, mon travail).
Vous ne savez pas ce que veut dire « créer de la valeur » pour vous?
Alors il vous faut connaître vos valeurs personnelles et ce qui est important pour vous, ainsi que la contribution que vous souhaitez apporter autour de vous que ce soit au travail ou dans votre communauté, bref, le sens que vous souhaitez donner à votre vie.
Une évidence? Vous seriez surpris.
Le capitalisme et la société de consommation placent naturellement ceux qui n’ont pas de direction claire tour à tour dans un rôle de producteur en échange d’un salaire ou de consommateur. Plusieurs s’en contentent ou laissent ces rôles gagner du terrain, en oubliant qu’ils peuvent façonner leur expérience différemment, à l’intérieur et à l’extérieur du travail.
Car la vie, c’est bien plus que produire et acheter. La valeur qu’on crée peut être plus que financière. D’ailleurs, la plupart du temps, c’est dans nos rôles sociaux que nous créons et encaissons le plus de valeur et de satisfaction : parent, coach, mentor, ami, voisin.
Le réaliser est probablement un premier pas vers la liberté… et la santé durable individuelle et collective.
Se donner la permission : un concept qui passe ou qui casse?
L’équilibre, c’est donc aussi entre la création de valeur pour soi versus la création de valeur pour les autres. Très souvent, lorsqu’on parle de prendre soin de soi, on répond qu’il ne faut pas non plus devenir trop centré sur sa petite personne au point de tout prendre et de ne plus rien donner. Je vous l’accorde à 100%
Très souvent, une activité aura de la valeur quelque part… jusqu’à un certain point.
Par exemple, si je prends une pause pour prendre une marche en plein milieu de la journée, je crée de la valeur pour moi-même, question de mieux créer de la valeur au travail ou dans la maisonnée plus tard. Toutefois, si j’étire la marche et que j’arrête pour des courses ou que je marche si longtemps qu’au retour, je n’ai plus l’énergie ni le temps de travailler ou de finir un projet qui m’était cher, je dépasse le seuil de la création de valeur. Certaines sphères de ma vie souffrirons momentanément de ma « permission ».
Idem si je m’inscris à plusieurs activités « nourrissantes », il est possible qu’à ce rythme, j’en ressorte plus fatiguée que ressourcée.
Tout est dans le bon dosage. Car bien sûr, tout ne peut pas non plus toujours être de la création de valeur ni parfaitement équilibré. et il nous arrive tous de mettre en veilleuse certaines sphères de notre vie, de scroller trop longtemps ou d’écouter du contenu sans valeur ajoutée.
Savoir rétablir l’équilibre est une compétence bien sous-estimée et quand on y pense, celle-ci est souvent à la base de la confiance.
Quand cette compétence est activée : ça passe et on vous laissera gérer de façon autonome vos intrants et vos extrants.
Si elle ne l’est pas, ça casse. La confiance est brisée et il sera plus difficile de vous octroyer la permission de prendre soin de vous au moment opportun, que celle-ci vienne de vous-mêmes ou de votre patron.
Qui dit permission dit aussi balises!
Vous vous en doutez, la permission de résister à la culture du burn-out (produire sans se nourrir) et de façonner pour vous-mêmes et vos proches une vie saine, satisfaisante et basée sur la création de valeur pécuniaire et non pécuniaire ne vous sera pas donnée par le système capitaliste… ou peut-être un jour si celui-ci s’adapte à la nature de la machine humaine (c’est notre mission!).
Elle vous sera donnée par vous-mêmes ou par un autre humain.
Elle prendra peut-être la forme de nouvelles permissions à proprement dit : de nouveaux « oui», de nouvelles volontés ou des ajouts à votre routine, mais elle pourrait aussi prendre la forme de balises : de nouveaux « nons», de nouvelles limites, un retrait de certaines activités et habitudes ou l’ajout d’une limite de temps ou d’énergie.
Mais souvenez-vous, elle doit aussi se coller à une volonté de contribuer qui permet alors de redistribuer à bon escient l’énergie ainsi regagnée!
Se donner la permission et des balises en équipe
Et si tout le monde se donne soudainement cette permission, est-ce que votre organisation va s’écrouler? Je voterais plutôt pour le contraire.
À une condition : la permission de prendre soin de soi est vraiment utile quand elle vient avec la conscience du point de bascule (trop, c’est comme pas assez) et la conviction qu’il vaut mieux que le balancier nous ramène systématiquement dans une posture de création de valeur au travail et dans la vie.
C’est ainsi qu’on reste engagé, qu’on brise l’isolement et qu’on cultive la création de valeur ainsi qu’une profonde satisfaction personnelle et professionnelle.
Oser dépoussiérer la culture de productivité, facile ou impossible?
J’aurais envie de vous dire facile.
Pourvu qu’on ose s’en donner la permission.
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