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Santé émotionnelle au travail: réflexions et pistes de solutions

Les discussions sur la santé mentale au travail sont en pleine évolution.

Pendant longtemps, la conversation tournait exclusivement autour de la gestion des troubles de santé mentaux, qui étaient alors associés à des facteurs de risques personnels: problèmes familiaux, mauvaises habitudes de vie, bagage génétique…

Heureusement, les connaissances scientifiques récentes nous ont amené une meilleure compréhension de la santé mentale. On sait maintenant que c’est un état qui peut fluctuer, fleurir, s’épanouir – en présence ou en l’absence de troubles mentaux – et qui tend vers l’équilibre.

Un état qui peut aussi se détériorer pour de nombreuses raisons, dont la présence accrue et prolongée au stress dans les milieux professionnels. Des initiatives comme la réforme de la loi sur la prévention des risques psychosociaux liés au travail poussent d’ailleurs les organisations à identifier les facteurs qui ont le potentiel d’engendrer des effets néfastes sur la santé.

Les effets positifs de ces initiatives sont toutefois encore timides. 

En février 2023, le rapport de l’indice de santé mentale Telus (1) atteignait ses plus bas fonds: 35 pour cent des travailleurs canadiens présentaient un risque élevé de problème de santé mentale et 43 pour cent présentaient un risque modéré.

À l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes, on indique que les réclamations d’assurance liées à la santé mentale sont en hausse de 75% depuis 2019 (2).

Ces statistiques nous poussent à la réflexion. De quelles façons les valeurs et la culture de nos organisations contribuent au maintien, ou à la dégradation de la santé des travailleurs? 

Et de quelles manières, en tant que gestionnaire ou agent de changement, il est possible de favoriser un état de bien-être émotionnel au travail afin d’éviter la surcharge mentale, le quiet-quitting, les épuisements professionnel et émotionnel, mettant fin ainsi à la culture du burn-out.

Santé mentale et santé émotionnelle: comprendre ce duo indissociable


Selon l’
Organisation mondiale de la santé (OMS), la santé mentale est « un état de bien-être dans lequel une personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, travailler avec succès et contribuer à la vie de sa communauté ». (3)

Au Canada, celle-ci est souvent mesurée grâce modèle multidimensionnel de Keyes (4), qui prend en considération le bien-être émotionnel (comment nous percevons et exprimons les émotions), le bien-être psychologique (comment nous pensons) et le bien-être social (comment nous agissons) (Doré, I. & Caron, J. 2017).

Toujours selon Keyes, la santé mentale peut-être considérée comme florissante (niveaux élevés de bien-être émotionnel et de fonctionnement positif), languissante (faibles niveaux de bien-être émotionnel et de fonctionnement positif) ou modérée (ni florissante, ni languissante).

Plus spécifiquement, la capacité à reconnaître ses émotions, les accepter, les réguler et les exprimer de façon adéquate et satisfaisante témoigne d’une bonne santé émotionnelle.

Dans nos milieux de travail, cette capacité est une habileté essentielle. Elle encourage une communication saine et ouverte avec les pairs, ainsi qu’une autorégulation des émotions devant des aléas de la vie professionnelle, incluant le stress.

S’il est vrai que certains traits de personnalité individuels ou de traits culturels (croyances et comportements appris) peuvent faciliter ou complexifier la gestion personnelle du stress, la culture organisationnelle peut elle aussi contribuer à favoriser ou dégrader l’état de bien-être mental des équipes de travail.

Comprendre comment celle-ci vient interférer avec la capacité interne des travailleurs à gérer le stress et à réguler leurs émotions devient alors primordial. 

Comment le travail vient-il influencer la santé émotionnelle?


On le sait maintenant, plusieurs facteurs psychosociaux viennent influencer le bien-être et la santé émotionnelle des individus en milieux de travail: manque de reconnaissance, d’autonomie (de contrôle), de soutien, de clarté quant aux attentes et aux tâches, manque de sens au travail…

Le manque d’équilibre entre les sphères de vie, ou de satisfaction travail-famille-vie personnelle a également un impact significatif sur la santé émotionnelle et la charge mentale, causant une cascade d’émotions négatives et de tiraillement entre les différents rôles sociaux.

Sans oublier la culture informelle qui peut faire la promotion de la performance et de l’atteinte des résultats à tout prix, ou qui peut faire preuve d’immobilisme. Personne n’ose alors aller à contre-courant du groupe.

Qu’arrive-t-il lorsque ces éléments s’additionnent, provoquant une exposition accrue et prolongée au stress?

Dans la plupart des cas, la santé émotionnelle se dégrade. Des symptômes d’épuisement émotionnel peuvent alors faire surface, tels que les émotions négatives, la fatigue face aux tâches et la difficulté d’entrer ou de maintenir les relations avec les autres. Le regard qui est posé sur la satisfaction à l’égard de l’emploi et l’appréciation de la qualité de vie au travail décline alors.

Voilà pourquoi il est impératif de repenser nos façons de travailler dans une perspective de santé durable, qui amène des impacts positifs significatifs pour les organisations.

En 2020, les chercheurs de la Faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval démontraient que les organisations qui accordent « une aussi grande importance à la santé psychologique du personnel qu’à la productivité (…) ont 24% moins de gens en détresse élevée et 12% plus de travailleurs hautement performants ». (6)

Évidemment, des facteurs externes au travail contribuent aussi au stress tels que la conjoncture économique (l’inflation, la hausse des taux d’intérêt…), la politique internationale (conflits armés…) et la situation personnelle (conflits, séparation, enfants ou parents à charge…). 

Avoir développé de bons réflexes de gestion émotionnelle (entre autres grâce aux ressources offertes au travail), compter sur la bienveillance et l’ouverture de ses pairs et retrouver alors dans son milieu de travail un réel sentiment d’appartenance, un sens profond et une vision commune peut faire toute la différence pour le bien-être des travailleurs.

Prévenir les effets négatifs du travail sur la santé émotionnelle


Les stratégies et les bonnes pratiques qui influencent positivement la santé émotionnelle se résument à sensibiliser et outiller les individus, peu importe leur rôle, à valoriser la santé émotionnelle de façon concrète et à s’assurer que les membres de son équipe peuvent compter sur suffisamment d’espace et de temps pour se réguler et récupérer émotionnellement.

La bonne formule est toutefois propre à chaque milieu. Il suffit donc d’y réfléchir ensemble, tout en laissant place à sa créativité et en s’ouvrant à l’innovation. 

Voici quelques pistes afin d’amorcer la réflexion :

Redéfinissez la performance: stop à la surperformance! La quête vers la saine performance commence maintenant. Revoyez vos indicateurs d’évaluation interne pour inclure un volet florissant, où l’apport social, la contribution, la création de valeur et l’apprentissage (ou progression) des travailleurs sont pris en compte. Et pourquoi ne pas évaluer la satisfaction, le bien-être au travail et la santé psychosociale?

Renforcer les liens: le soutien mutuel, l’entraide et la collaboration contribuent à diminuer le stress. Le milieu de travail devient alors un milieu social où les individus sont encouragés à partager leurs émotions et leurs besoins plus ouvertement. On passe d’une notion transactionnelle du travail à une notion relationnelle, plus riche de sens. Le tout avec les bons mécanismes d’agilité.

Offrez-vous du temps blanc (et parlez-en!): ces temps de recul permettent de réguler davantage nos émotions, de faire le vide et de prôner par l’exemple. Parlez de ces moments, loin des écrans et des stresseurs numériques, avec votre équipe et incitez-les à faire de même (en vous assurant d’abord que leur charge de travail actuelle leur permette!). C’est peut-être le moment de prendre un temps blanc en équipe?

En tentant d’implanter ces mesures, il est possible que certaines organisations soient poussées à revoir leurs valeurs et leur culture organisationnelle de fond en comble et à créer de nouveaux modèles

Tant mieux! 

L’émergence d’une nouvelle conscience des besoins entraîne nécessairement la création d’une culture plus saine et durable entraînera des effets positifs pour les équipes, leurs familles, les organisations, bref, toute la collectivité.

À retenir: santé émotionnelle et culture organisationnelle


Il est grand temps de passer d’une perspective de gestion des symptômes ou des invalidités découlant d’une dégradation de la santé émotionnelle en milieu de travail, à une perspective de prévention, de sensibilisation, d’éducation et de  résolution des causes qui engendrent ces symptômes.

Pour ce faire, il est essentiel de contribuer à faire évoluer le discours collectif pour passer d’une logique de responsabilité individuelle de protection de la santé mentale, à une responsabilité de bienveillance et d’agilité partagée.

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Stratégies au travail

Tu aimerais connaître nos stratégies en lien avec la santé émotionnelle au travail et échanger avec d’autres gestionnaires qui vivent des défis similaires?

Si en tout temps tu as des questions ou tu te demandes comment trouver l’équilibre entre bienveillance et saine performance au sein de ton équipe dès maintenant, n’hésite pas à nous écrire: collaborer@desaison.ca

 

Références

(1) Rapport de l’Indice de santé mentale Telus, Février 2023, https://lifeworks.com/fr/ressources/rapport-de-lindice-de-sant%C3%A9-mentalemc-f%C3%A9vrier-2023 (consulté le 20 avril 2023)

(2) Benefits Canada, 16 septembre 2022, https://www.benefitscanada.com/news/bencan/claims-paid-out-to-support-mental-health-up-75-since-2019-clhia (consulté le 20 avril 2023)

(3) Organisation mondiale de la santé. (2014). Définition de la santé mentale. https://www.who.int/features/factfiles/mental_health/mental_health_french.pdf (consulté le 20 avril 2023)

(4) Doré, I. & Caron, J. (2017). Santé mentale : concepts, mesures et déterminants. Santé mentale au Québec, 42(1), 125–145. https://doi.org/10.7202/1040247ar (consulté le 20 avril 2023)

(5) Le Soleil, 4 juin 2023, https://www.lesoleil.com/2020/06/05/pres-de-50-des-travailleurs-quebecois-en-grande-detresse-psychologique-7a0cd91c55daf7a2b1edee6b447a4645/ (consulté le 20 avril 2023)