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Utiliser la peur comme un levier

J’ai toujours adoré l’humour et l’écriture, et j’ai toujours  plus ou moins secrètement  rêvé d’en faire une carrière. Fait qu’à la place de faire l’École de l’humour et risquer de ne pas trouver d’emploi, j’ai opté pour des études en lettres… Pour arriver sensiblement au même résultat. 

Sérieusement, plus jeune, disons à la sortie du cégep, je ne me sentais pas prête à auditionner pour l’École de l’humour. Étrangement, j’avais juste assez vécu pour savoir que je n’avais pas assez vécu. En d’autres mots, je n’avais rien de pertinent à dire. 

Puis je me disais qu’avec un bon bagage en écriture, je trouverais bien le moyen de me frayer un chemin jusqu’au monde de l’humour si jamais c’était réellement ce que je voulais faire. C’est avec l’idée de devenir humoriste derrière la tête que je me suis frayée un chemin jusqu’à Montréal. C’était le moment. Avec toutes les soirées open mic à ma portée et quelques années dans le monde de la rédaction derrière la cravate, je n’avais plus d’excuses. 

Il fallait que j’essaie. 

Et ça, ça m’angoissait au plus haut point.

Performance et perfection 

Avec le temps, bien que je déteste l’admettre, j’étais devenue une personne relativement anxieuse. L’obsession sociétale de performance avait eu raison de moi, usant mon self-control et ma confiance à la corde. Je devais me dépasser et exceller dans tout, ne jamais faire d’erreur. Selon qui ? Une espèce de petite voix fatigante qui s’accrochait à moi comme un québécois s’accroche aux dernières journées d’été. Elle était tenace, disons. 

Je visais la perfection dans toutes les sphères de ma vie, et je ne m’accordais jamais l’indulgence que j’accordais pourtant à tout le monde, sans exception. J’avais bien réussi à écrire quelques articles de blogue par le passé et des dizaines de page d’un roman, mais je me suis mise à produire de moins en moins, pour finalement n’être plus capable de finir quoi que ce soit. 

Paradoxalement, plus je me mettais de pression pour écrire, plus je procrastinais. 

La peur me paralysait. 

Parce qu’en ne faisant rien, je ne risquais pas l’échec. Si je ne créais rien, ça ne pouvait pas être mauvais. Je choisissais inconsciemment d’aller nulle part au lieu d’avancer. 

Goût et talent : remise en question

Sauf que tout le monde s’est déjà planté. Ça fait partie du processus créatif. Pourtant, les doutes continuent de nous ronger les tripes. Pourquoi ? Parce qu’en ce qui concerne le travail créatif, nos goûts dépassent généralement notre talent dans un domaine. 

Selon Ira Glass, cet écart pousserait tout débutant à se remettre constamment en question. Les inspirations qui nous poussent à créer sont souvent la source de nos ennuis : à cause d’elles, nous sommes en mesure de constater que notre travail n’est pas excellent. (Une petite vidéo l’explique super bien en deux minutes ici.)

Comment outrepasser ces doutes, à mon humble avis ? 

1. Accepter l’idée qu’il faut commencer quelque part pour s’améliorer.

2. Essayer, produire, créer, se lancer, se tromper. Travailler, encore et encore. Ne pas oublier de           s’amuser à travers tout ça.

3. Répéter les étapes 1 et 2. 

 

Et la peur dans tout ça ? 

Toutes ces constatations m’ont poussée à me lancer. J’ai commencé par m’inscrire à une première soirée d’humour open mic

Je n’étais pas assez préparée, j’ai eu un blanc, je me suis mêlée dans mon texte. 

Résultat ?

J’ai eu plein de bons commentaires, le blanc m’est paru bien pire qu’aux spectateurs et personne n’aurait pu dire que mon texte était dans le désordre. Comme quoi on se juge bien sévèrement. Juste en osant essayer, j’avais le respect du public. 

Et surtout, j’avais une folle envie de remonter sur scène. 

Malgré tout, au deuxième, avant d’entrer en scène, j’ai sincèrement cru que je n’y arriverais pas. Je me sentais comme si je m’apprêtais à faire le Goliath à la Ronde   j’haïs les manèges  je me demandais pourquoi je me faisais subir ça et j’avais juste envie de hurler que j’avais changé d’idée.

Par chance, mes amis me rassuraient : 

« L’important, c’est d’essayer. »

« Quand une chose nous fait peur, c’est tout simplement signe qu’elle nous tient à cœur. »

« Il faut se mettre juste assez de pression pour bien performer. » 

En passant, nos proches sont les mieux placés pour constater notre potentiel et nous le remettre sous le nez quand on le perd de vue. L’important, c’est ce que nous avons le potentiel d’accomplir. Sérieusement, ce serait plate à mort de plafonner dans son art du premier coup. 

À mon deuxième open mic, prévu la soirée suivante (je sais, de quoi mourir d »une crise cardiaque), plusieurs habitués parmi ceux qui présentaient un numéro m’ont confié que le tract ne part jamais. 

Et ce soir-là, en prêtant une attention particulière à des humoristes que je considère comme absolument excellents, ceux-là même qui contribuent à créer le fameux écart entre mon goût et mon talent, je constate leurs mains tremblotantes ou un petit trémolo dans leur voix. 

Tout le monde a peur. Même les meilleurs. Il faut simplement savoir en tirer profit. 

La peur n’est pas un ennemi. C’est un allié de taille. 

Parce que c’est quand on repousse nos limites qu’on se sent le plus vivant. 

Et on ne regrette jamais d’avoir essayé.